Dans le cadre d’une liquidation judiciaire, l’avocat intervenant pour le mandataire liquidateur justifie t’il de ses diligences en qualité d’avocat de la liquidation judiciaire ou intervient-il seulement pour le « confort » du mandataire liquidateur ? Qui décide de son intervention, le liquidateur ou le débiteur ? Le juge commissaire doit-il donner l’autoriser ? Qui doit payer l’avocat, le mandataire liquidateur ou la liquidation judiciaire ? Le chef d’entreprise a-t-il son mot à dire ? Oui.
Avocat du mandataire liquidateur, qui doit payer ?
Dans le cadre d’une liquidation judiciaire, l’avocat intervenant pour le mandataire liquidateur justifie t’il de ses diligences en qualité d’avocat de la liquidation judiciaire ou intervient-il seulement pour le « confort » du mandataire liquidateur ? Qui décide du liquidateur ou du débiteur ? Le juge commissaire doit-il donner l’autoriser ? Qui doit payer l’avocat, le mandataire liquidateur ou la liquidation judiciaire ? le chef d’entreprise a-t-il son mot à dire ? Oui.
Article :
Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en juin dernier et qui vient aborder la problématique particulière de la représentation du mandataire en liquidation judiciaire par son propre avocat.
La question qui se pose très légitimement est de savoir qui doit prendre en charge les honoraires de l’avocat du mandataire liquidateur,
Doivent-ils être intégrés comme des frais de justice prélevés sur les comptes de la liquidation judiciaire dont le mandataire liquidateur intervient es qualité ?
Ou est-ce que c’est un confort que le mandataire liquidateur s’offre et qu’il doit donc supporter lui-même pour faire face à ses obligations ?
En cas de sinistre, et dans l’hypothèse ou une faute est commise par l’avocat du mandataire liquidateur, qui doit en payer les conséquences ?
C’est ce que vient apporter comme réponse cette jurisprudence de la Cour de cassation.
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, la société M. avait été désignée es qualité de mandataire liquidateur de Monsieur M. et de ses différentes sociétés, et ce dès le mois de mai 2003.
Le mandataire liquidateur de ses différentes entités devait effectuer différentes démarches notamment dans le cadre de la réalisation des actifs et de la cession des fonds de commerce,
C’est dans ces circonstances que le mandataire liquidateur a décidé de mandater et de confier ces missions à Maître C., avocat au Barreau de Bordeaux, qui, à l’occasion de ces missions, s’est malheureusement rendu coupable de détournement de fonds au travers des différentes opérations de liquidations judiciaires.
La responsabilité professionnelle de l’avocat du mandataire
Une première procédure a d’abord eu lieu contre l’avocat et sa compagnie d’assurances.
Ainsi, par arrêt de Cour d’appel de mars 2015, ladite compagnie d’assurances des avocats inscrits au Barreau de Bordeaux, intervenant pour la représentation des fonds et valeurs reçus par eux à l’occasion de leur activité professionnelle, a été condamnée à verser diverses sommes au mandataire liquidateur au titre des détournements commis par son assuré au préjudice des trois liquidations judiciaires dont il avait la charge.
Par la suite, la compagnie d’assurances a engagé une action subrogatoire en responsabilité contre le mandataire judiciaire à titre personnel.
L’action subrogatoire contre le mandataire liquidateur
Cette jurisprudence vient clairement aborder la responsabilité du mandataire judiciaire face à son avocat qu’il a mandaté pour intervenir pour lui es qualité.
Cette jurisprudence vient aborder le sort de la question de la responsabilité du mandataire liquidateur du fait de son propre avocat,
La compagnie d’assurances venait émettre un certain nombre de griefs à l’encontre du mandataire liquidateur en considérant que celui-ci aurait pu assurer sa propre représentation, es qualité de mandataire liquidateur, sans avoir forcément recours à un avocat.
De telle sorte que si recours à avocat il y avait du seul choix du mandataire liquidateur, il devait en supporter les conséquences.
Le lecteur attentif se pose alors la question de la présence de l’avocat en procédure collective lorsqu’il intervient pour le mandataire liquidateur.
Cette question se pose en termes de responsabilité,
Elle se pose aussi en termes d’honoraires,
La responsabilité et les honoraires de l’avocat du mandataire liquidateur
Mais, in fine, il est aussi vrai que le système de représentation du mandataire de justice par un avocat qui viendrait à le représenter, certes devant des juridictions qui ne sont pas ses juridictions naturelles, mais également devant ses juridictions naturelles, peut interroger, à la fois sur la pertinence de ce « renfort » judiciaire, et à la fois sur le coût de cette intervention.
Doit-elle être forcément supportée par l’administré ou le débiteur qui supporterait sur les fonds de la liquidation judiciaire des honoraires des avocats qui, finalement, ne serviraient que le confort judiciaire du mandataire liquidateur ?
Le mandataire de justice est auxiliaire de justice, porteur de robe, et est parfaitement en mesure d’assumer seul son propre mandat, à minima devant sa juridiction naturelle, juge commissaire, tribunal de commerce, chambre des procédures collectives….
La compagnie d’assurances venait effectivement soutenir que, selon elle, un mandataire judiciaire ne peut confier à des tiers, tel un avocat, des tâches qui relèvent de sa mission qu’à la double condition que le recours à ces tiers ait été autorisé par le Président du Tribunal de la procédure collective, qu’il s’agisse de la chambre des procédures collectives du Tribunal Judiciaire, ou du Tribunal de Commerce, et que la rémunération de ce tiers soit assurée sur les fonds propres du mandataire judiciaire, et donc sur sa propre rémunération.
Les honoraires de l’avocat à la charge des fonds personnels du mandataire liquidateur
Cette argumentation est finalement lourde de sens.
A bien y comprendre, et y adhérer, cela signifie que les honoraires de l’avocat ont vocation à être supportés par le mandataire judiciaire lui-même, sur ses propres honoraires, sans que cela soit reporté au compte de la liquidation judiciaire.
Il importe de rappeler que la rémunération de ce tiers, à savoir l’avocat du mandataire judiciaire, doit être assurée sur les fonds propres du mandataire liquidateur.
Et non par le débiteur….
Or, en l’espèce s’agissant de la société en liquidation judiciaire, la Cour d’Appel avait considéré que Maître C. était intervenu avec une autre société, par ailleurs et liquidation judiciaire, et avait fait le choix de se faire représenter en justice par son conseil, le mandataire liquidateur décidant de confier à Maître C., avocat, la mission de le représenter en justice.
Son mandat avait amené à la rédaction protocole d’accord transactionnel avec la société L. ayant donné lieu au paiement d’une indemnité qui avait été finalement, et contre toute attente, détournée à des fins personnelles par l’avocat en question.
Dès lors, la question qui se pose est de savoir si Maître C. avait été chargé de rédiger le protocole transactionnel ou s’il avait été désigné comme représentant du mandataire liquidateur pour participer à cet acte ?
Or, tel n’était pas le cas puisqu’il n’était pas intervenu en qualité d’avocat de la liquidation judiciaire, mais en tant que représentant du liquidateur judiciaire, es qualité, lorsqu’il a perçu ces fonds,
Ce qui supposait une autorisation judiciaire…
Sans quoi le mandataire liquidateur engagerait sa responsabilité…
Finalement le mandat de l’avocat était déterminant.
L’avocat intervenant intervenait-il et accomplissait-il des diligences en qualité d’avocat de la liquidation judiciaire ou est-ce qu’il intervenait seulement dans la rédaction de ce protocole d’accord en qualité d’avocat du seul mandataire liquidateur ?
L’avocat intervient-il pour le mandataire liquidateur ou pour la liquidation judiciaire ?
Cela a amené également à se poser la question de la perception des fonds par un avocat dans le cadre d’exécution d’une transaction qui ne relève ni d’une mission de représentation en justice, ni d’une mission d’assistance en justice, de sorte qu’elle aurait du être autorisée par le Juge de la procédure collective.
A défaut d’être autorisé par le Juge de la procédure collective, l’avocat n’avait pas compétence pour se substituer au mandataire liquidateur dans le cadre de la réalisation des actes qui incombent directement au mandataire liquidateur dans le cadre de sa mission dans l’entreprise en difficulté.
Par conséquent, il appartenait au mandataire liquidateur d’en supporter les conséquences.
La Cour de cassation, sur ce point est sans équivoque possible, puisqu’elle précise clairement qu’en donnant à un avocat la mission de le représenter en justice es-qualité, un mandataire judiciaire en redressement à la liquidation judiciaire d’une entreprise ne confie pas à un tiers une partie des tâches que comporte l’exécution de ce mandat et qui lui incombe personnellement au sens de l’article L.812-1 Alinéa 2 du Code du Commerce.
L’intervention de l’avocat pour le mandataire sans l’autorisation du juge commissaire
La Cour de cassation affine son raisonnement en plusieurs étapes.
En premier lieu, la haute juridiction souligne que l’arrêt de la Cour d’appel relève d’abord, s’agissant des dossiers concernant les sociétés en liquidation judiciaire que le mandataire liquidateur justifie avoir, par un courrier en date du 3 août 2007, confié à l’avocat, Maître C., la rédaction d’une requête au Juge Commissaire excluant le groupe L., principal actionnaire des répartitions, et rapporte la preuve en produisant sa lettre du 28 mai 2008 à Maître C. qu’elle avait confié à ce dernier sa représentation en justice.
La Cour d’Appel relève ensuite que cette procédure a donné lieu à la rédaction d’un protocole d’accord avec la société L. ayant abouti au paiement d’une indemnité qui avait été détournée par Maître C. et par motif adopté que Maître C., qui a représenté le mandataire liquidateur en justice a assuré la rédaction d’actes pour le compte de celle-ci.
De ces constatations, il résultait que cette transaction s’inscrivait dans une procédure judiciaire pour laquelle Maître C. était investi d’un mandat de représentation en justice.
De telle sorte que la Cour d’Appel, qui a procédé aux recherches invoquées a exactement déduit que les sommes n’avaient pas été détournées à l’occasion d’une activité qu’aurait accompli Maître C. alors qu’elle incombait personnellement au mandataire liquidateur.
Ainsi, la Compagnie d’assurances persiste à considérer que le mandataire liquidateur doit supporter les conséquences des actes de son propre avocat et ceci tant, dans le champ de sa responsabilité que dans le champ du paiement de ses honoraires.
La compagnie d’assurances soutenant, à juste titre, que le mandataire judiciaire ne peut confier à des tiers, tel un avocat, des tâches relevant de sa mission sous la seules et expresse double réserve que le recours à ce tiers soit autorisé par le président du Tribunal de la procédure collective et que la rémunération de ces tiers soit assurée sur les fonds propres du mandataire judiciaire.
La Cour d’Appel avait alors retenu que Maître C. avait activement assisté le mandataire liquidateur dans sa conclusion d’un avenant de résiliation amiable du contrat de bail qui avait donné lieu à un versement des sommes litigieuses par le locataire.
Or, en se prononçant ainsi, tandis que le fait pour un avocat d’assister un client pour la conclusion d’une convention ne relève ni d’une représentation en justice d’une assistance en justice, de telle sorte que la Cour d’Appel a violé l’article L.812-1 du Code du Commerce et l’article 1382 du Code Civil dans sa rédaction antérieure devenue article 1240 du même Code.
La Cour de cassation est sensible à cette approche et apport des précisions d’importance.
Tant sur la question de la réalisation de ses missions par le mandataire liquidateur mais également sur la place et le rôle que peut jouer son avocat au sein de la liquidation judiciaire et de ses différentes procédures, lorsque celui à intervenir pour le mandataire liquidateur, es qualité, ou non.
Qui doit réaliser les missions du mandataire liquidateur ?
La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 1382 devenu 1240 du Code Civil tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Aux termes du second article, l’article L.812-1 Alinéa 2 du Code du Commerce, la Haute juridiction rappelle que les tâches qui comportent l’exécution de leur mandat incombent personnellement au mandataire judiciaire désigné par le Tribunal et peuvent toutefois, lorsque le bon déroulement de la procédure le requiert, et sur autorisation motivée du Président du Tribunal, confier sous leur responsabilité à des tiers une partie de ces tâches.
Ainsi, la Cour de Cassation soulève que pour débouter la compagnie d’assurance de ses demandes au titre des détournements commis par Maître C. à l’occasion des opérations de la liquidation judiciaire, l’arrêt relève que le litige commercial intéressant le bail commercial, lequel appartenant à la société, avait donné lieu à une assignation en paiement des loyers en 2000 et s’était terminé par un avenant de résiliation amiable rétroactif de ce bail du 31 juillet 2008 conclu avec l’assistance de Maître C. qui avait débouché sur le paiement par le locataire d’une somme de 126 113,73 ¤ et retient que l’intervention de Maître C. ne s'était pas borné à recevoir une somme d'argent mais s'était situé au sein d’un processus d’assistance en justice du mandataire liquidateur.
Il s’en déduit que la tâche confiée à Maître C. ne faisait pas partie de celle qu’un liquidateur doit accomplir personnellement.
La Cour de cassation revient sur cette notion en précisant qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ces constatations que les détournements de fonds commis par Maître C. avaient été rendus possibles par une assistance de celui-ci au mandataire liquidateur hors de tout mandat de représentation en justice, à l’occasion de la conclusion d’un avenant de résiliation d’un bail commercial qui constituait une tâche incombant personnellement au mandataire liquidateur et qu’à supposer que le bon déroulement de la procédure eut requis l’assistance de Maître C. il convenait de soumettre sous la responsabilité du liquidateur l’intervention de l’avocat à une autorisation motivée du Président du Tribunal de telle sorte que la Cour d’Appel a violé les textes susvisés.
L’intervention de l’avocat du mandataire sans autorisation du Président du Tribunal
Cette jurisprudence est extrêmement intéressante puisqu’elle vient apporter une réponse précise au sort de l’intervention de l’avocat en rappelant que si la mandataire liquidateur fait le choix de prendre un avocat pour sa représentation s’il n’est pas autorisé par le Président du Tribunal à représenter le mandataire liquidateur es qualité, celui-ci doit prendre sur ses deniers personnels et sur les honoraires qu’il prend dans le cadre de la liquidation judiciaire les honoraires de l’avocat et qu’à défaut, il ne peut le payer sur les fonds de la liquidation judiciaire,
Le débiteur n’a pas à prendre en charge les honoraires de l’avocat du mandataire
Le chef d’entreprise en liquidation est alors bien fondé à contester la représentation du mandataire liquidateur par son avocat,
Tout comme il est en droit de contester le bien-fondé du paiement, sur les fonds de la liquidation judiciaire, des honoraires de l’avocat.
Il en est de même de l’absence d’une convention d’honoraires conclue entre l’avocat et le mandataire liquidateur pour lequel, à mon sens, le débiteur aurait vocation à donner son avis.
Ainsi, cette jurisprudence précise qu’en donnant à un avocat la mission de représenter en justice es qualité un mandataire judiciaire en redressement à la liquidation d’une entreprise ne confie pas à un tiers une partie des tâches qui incombent à l’exécution de son mandat et qui lui incombent personnellement au sens de l’article L.812-1 Alinéa 2 du Code du Commerce, de telle sorte que la conclusion d’un avenant de résiliation du bail commercial constitue une tâche incombant personnellement au liquidateur judiciaire et à supposer que le bon déroulement de la procédure eu requis l’assistance d’un avocat, il convenait de soumettre sous la responsabilité du liquidateur l’intervention de l’avocat et l’autorisation motivée du Président du Tribunal, de telle sorte qu’à défaut ce dernier n’avait pas forcément qualité à agir et surtout, à défaut, les honoraires de l’avocat ont vocation à être pris sur ses fonds propres et non pas être réglés par le liquidateur sur les fonds de la liquidation judiciaire.
Cette jurisprudence est extrêmement intéressante sur ce point.
Comme si, finalement, la question des honoraires de l’avocat du mandataire liquidateur était tabou,
Il ne l’est plus désormais…..
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE
Avocat à Fréjus et à Saint Raphael
Docteur en Droit
Dossier complet répondant à mes questions