Le droit positif actuel admet plusieurs causes de divorce dont celui pour cause d'altération du lien conjugal. Quels sont les critères retenus par le législateur et comment éviter les pièges ?
Le droit positif actuel admet plusieurs causes de divorce :
- Le divorce pour faute de l'article 242 du Code Civil qui , s'il n'est pas tombé en désuétude, apparaît une cause de divorce moins usitée.
- Le divorce sur demande acceptée de l'article 233 du Code Civil qui suppose l'accord des deux conjoints sur le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci.
- Le divorce par consentement mutuel hors juge et judiciaire.
Ces deux dernières causes supposent par principe que chaque époux dispose de son propre avocat.
- le divorce pour altération définitive du lien conjugal défini à l'article 237 et 238 du Code Civil.
Article 237 :
« Le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré ».
Article 238 Al 1 :
« l'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de communauté de vie entre les époux , lorsqu'ils viventséparés depuis un an depuis la demande en divorce ».
L'héritier de « l'ancien divorce » pour rupture de la vie commune qui supposait dans le droit antérieur une séparation de fait des deux époux de 6 ans, puis de 2 ans, autrefois peu usité au profit du divorce pour faute et des autres causes de divorce ci avant nommées connait aujourd'hui un regain d'intérêt pratique.
Cela tient au fait d'abord :
- au délai extrêmement court d'une année dont le législateur n'exige plus qu'il soit existant au moment de l'introduction de la procédure de divorce désormais depuis le 1° janvier 2021 par assignation en divorce délivrée par huissier de justice.
L'article 238 Al 2 dispose en effet que :
« Si le demandeur a introduit la demande en divorce sans indiquer les motifs de sa demande, le délai caractérisant l'altération définitive du lien conjugal est apprécié au moment du prononcé du divorce ».
- au fait de pouvoir aboutir à un Jugement de divorce quand bien même le demandeur à la procédure ne disposerait pas de la preuve de faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations de son conjoint (faits qui rendent intolérables le maintien de la vie commune) en défense, violation requise dans le cadre d'un divorce pour faute.
- au fait de pouvoir aboutir à un divorce si le conjoint refuse le divorce et refuse notamment à un divorce « à l amiable ».
L'allègement drastique du délai passant de 6 ans, 2 ans puis à une année ne signifie aucunement un allègement dans l'administration de la preuve judiciaire de la cessation de communauté de vie énoncée à l'article 238 du code civil.
Le législateur ne définit certes pas cette « cessation de communauté de vie » mais il faut admettre que la simple cessation de cohabitation ne saurait s'assimiler de facto à cette cessation de communauté.
Classiquement, il faut exiger un élément matériel d'absence de cohabitation ET un élément affectif et intime.
Sur le plan de la procédure, il importe de faire preuve d'un minimum de rigueur dans l'administration de la preuve et dans les éléments de preuve à apporter à l'avocat en charge de la procédure de divorce.
A cet endroit de la discussion, il n'est pas inutile de préciser les dispositions de l'article 246 du Code civil :
« si une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute »
Ainsi, nombre de Juges ont rejeté et rejettent une demande de divorce pour altération définitive du lien conjugal au motif que la demande était insuffisamment justifiée quand bien même que le demandeur apporter une attestation indiquant laconiquement que « monsieur et madame X sont séparés depuis telle date » (ou a fortiori quand aucune date n'est indiquée) sans autre précision.
Le rejet de la demande en divorce après plusieurs mois ou quelques années de procédure oblige en pratique le demandeur à défaut de s'engager dans une procédure d'appel de devoir engager une nouvelle procédure de divorce...
La sociologie actuelle montre que nombre de couples séparés depuis des mois tentent un reprise de vie commune le temps d'un week-end ou durant les vacances scolaires avant de se séparer de nouveau ; il y a aura lieu dès lors de considérer que le délai a été interrompu « un peu » comme un délai de prescription sur le plan de la computation des délais et qu'il sera nécessaire dès lors de le faire redémarrer depuis les derniers jours de reprise de vie commune fut ce le temps d'un week-end ou d'une soirée.
Les témoignages apportés généralement par l'entourage familial (à l'exception des enfants issus du mariage puisque l'article 205 Al 2 du Code de procédure civile dispose :« toutefois les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à l'appui d'une demande en divorce ou en séparation de corps ») , amical , professionnel doivent être apportés de façon précise établie sur le plan formel par une attestation manuscrite répondant aux exigences de l'article 202 du Code de procédure civile avec copie de la pièce d'identité de l'auteur de l'attestation.
Sur le fond et au regard de ce qui vient d'être exposé, l'attestation devra donc être précise, pas rédigée en termes vagues avec une précision sur la date de séparation (mois, année) car le conjoint défendeur à la procédure qui refuserait la demande ou serait lui même demandeur en divorce pour faute pourrait produire alors des éléments tendant à prouver une reprise de vie commune même de courte durée par des attestations contraires...
De la même manière, la production au débat dans la procédure de divorce de documents fiscaux, type taxe d'habitation de résidences séparées ne saurait à elle seule suffire à justifier de cette cessation de communauté de vie.
La production au débat du Jugement rendu par le Juge aux affaires familiales statuant sur la demandes de mesures provisoires prises à l'issue de l'audience d'orientation (qui remplace depuis le 1° janvier 2021 l'audience de tentative de conciliation) ; mesures au titre desquelles le juge statue sur la résidence séparée et la jouissance du domicile conjugal au profit de tel ou tel conjoint, ne doit pas non plus constituer un élément de preuve suffisant.
Dans le cas d'un conjoint détenu depuis plus d'une année, la production d'un certificat des services pénitentiaires justifiant de l'absence de parloir depuis plus d'une année peut être utile car il existe en détention des unités de vie familiale qui permettent aux conjoints de se retrouver intimement.
En conclusions et en dépit des « apparences de facilité » dans l'administration de la preuve judiciaire de l'altération définitive du lien conjugal, et compte tenu des enjeux tant affectifs, familiaux et patrimoniaux inhérents à la procédure de divorce, il importe au contraire de se montrer très rigoureux.
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