Par un arrêt du 2 février 2022 n°20-23.468 la cour de cassation détrône la lettre recommandée de sa place de leader de la preuve en matière de respect des délais.
Suite à la signature d’un compromis l’acheteur décide d’user de son droit de rétractation mais le fait par courriel.
Le vendeur l’assigne en paiement de l’indemnité d’immobilisation et la cour d’appel juge la rétractation par courriel inopérante aux motifs que ce courriel n'avait pas présenté des garanties équivalentes à une lettre recommandée motif pris, in abstracto, qu'un courriel ne permettait pas d'identifier l'expéditeur, le destinataire ni d'attester de la date de réception.
Sauf qu’en l’espèce le destinataire du courriel était le notaire désigné dans le compromis pour recevoir les rétractations éventuelles et qu’il attestait avoir réceptionné ce courriel.
La cour de cassation rappelle qu'aux termes de l'article L. 271-1, alinéa 2, du code de la construction et de l'habitation, la faculté de rétractation du bénéficiaire d'une promesse de vente est exercée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise.
Ce « tout autre moyen » était analysé habituellement comme un acte d’huissier présentant encore plus de garanties qu’une lettre recommandée, ou encore une lettre recommandée électronique puisque la loi du 7 octobre 2016 et son décret d'application du 9 mai 2018 affirment l'équivalence entre la lettre recommandée papier et la lettre recommandée électronique, si bien que la cour d’appel a jugé que cette équivalence ne pouvait être étendue à un simple courriel.
La cour de cassation reproche à la cour d’appel ce raisonnement restrictif en un attendu sans concession : « En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'envoi d'un tel document au notaire mandaté par le vendeur pour recevoir l'éventuelle notification de la rétractation, lequel a attesté en justice avoir reçu le courriel litigieux le 9 mai 2017 à 18 heures 25, n'avait pas présenté des garanties équivalentes à celles d'une notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. ».
Désormais l’on peut exercer son droit de rétractation par courriel à condition toutefois que le destinataire atteste de la réception de ce courriel ce qui ne pose aucune difficulté pour un officier ministériel tel qu’un notaire mais peut présenter un risque si le destinataire désigné n’est pas officier ministériel.
La porte n’est donc qu’entrouverte et la prudence reste de rigueur.
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