Arrêt de la Cour de cassation du 20 décembre 2023 & désignation du RSS : portée de la décision

Pas de mandat de représentation pour les salariés assimilés au chef d'entreprise

Les faits de l'espèce

Dans cette affaire, la société avait saisi le tribunal aux fins d'annulation de la désignation d'un salarié en qualité de représentant de section syndicale (RSS). La société affirmait qu'en raison d'une subdélégation de pouvoirs de l'employeur et de la qualité de membre du comité de direction (Codir), le salarié ne pouvait détenir de mandat de représentation du personnel.

Qui ne peut pas être désigné représentant syndical ?

 Dans un arrêt du 20 décembre 2023 (1), la Cour de cassation nous rappelle le principe selon lequel ne peuvent exercer un mandat de représentation, les salariés qui : 

  • disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise ;
  • ou représentent effectivement l'employeur devant les institutions représentatives du personnel ou exercent au niveau de l'entreprise à l'égard des représentants du personnel les obligations relevant exclusivement du chef d'entreprise.
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Dossier : les moyens du délégué syndical

Inclus : 56 questions/réponses, 4 fiches explicatives complètes et 2 modèles de lettres.

Les critères retenus par la Cour pour assimiler un salarié au chef d'entreprise

Une délégation écrite signée

Pour appuyer sa décision, la Cour retient que non seulement les deux subdélégations écrites de pouvoirs de l'employeur par le supérieur hiérarchique du salarié n'étaient pas signées et que rien n'établissait que ce dernier avait été informé de leur existence et de leur contenu. 

 À lire : La délégation de pouvoir en entreprise : les points essentiels

Un statut de cadre dirigeant

Au regard de la décision, pour être assimilé à l'employeur, il aurait fallu, selon la Cour, que ledit salarié : 

  • soit décisionnaire du recrutement des candidats ;
  • soit décisionnaire des prolongations de contrats, des promotions ou augmentations ;
  • ait le pouvoir de décider de la rupture des contrats de travail ;
  • soit en capacité de décider en autonomie des changements qui lui paraissaient appropriés en termes d'organisation du service d'activités placé sous sa responsabilité ;
  • et dispose d'un pouvoir disciplinaire autonome à l'égard des salariés sous sa responsabilité : il aurait dû représenter l'employeur à cet effet.

La Cour retient que la participation du salarié au comité de direction, si elle démontre un rôle important dans l'organigramme de la société, n'est pas corroborée par un statut de cadre dirigeant et qu'il n'est pas placé, dans l'organigramme, à la hauteur des directeurs adjoints qui participent au comité exécutif qui prend les décisions stratégiques de la société.

À retenir : la Cour admet ainsi que "la capacité du salarié de représenter la société auprès des partenaires commerciaux n'a aucune incidence sur celle de représenter l'employeur auprès des salariés et qu'il ne ressort d'aucun élément que le salarié [avait] représenté l'employeur devant les institutions représentatives du personnel".

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Rappels des dispositions relatives au représentant de section syndicale

Comment le salarié peut-il se faire nommer représentant syndical ?

Le salarié doit remplir les conditions d'âge et d'ancienneté requises et n'avoir fait l'objet d'aucune interdiction, déchéance concernant ses droits civiques. Il est désigné parmi les membres titulaires de la délégation du personnel au comité social et économique (CSE).

 À lire en ce sens : Représentant syndical au Comité Social et Economique (CSE) : 9 choses à savoir

Dans les entreprises d'au moins 50 salariés 

Chaque syndicat qui constitue une section syndicale au sein de l'entreprise ou de l'établissement d'au moins 50 salariés peut - s'il n'est pas représentatif dans l'entreprise ou l'établissement - désigner un représentant de la section (RSS) pour le représenter au sein de l'entreprise ou de l'établissement (2).

Dans les entreprises de moins de 50 salariés

Les syndicats non représentatifs dans l'entreprise qui constituent une section syndicale peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au CSE comme représentant de la section syndicale (3).

Si la convention collective le prévoit, ce mandat de représentant peut ouvrir droit à un crédit d'heures. Le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel au CSE pour l'exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions, pour l'exercice de ses fonctions de représentant de la section syndicale.

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Quels sont les moyens d'action du RSS ?

Prérogatives et moyens de communication

Pour l'exercice de ses fonctions, le représentant de la section syndicale bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical (DS) - à l'exception du pouvoir de négocier des accords collectifs.

Le RSS utilise les moyens accordés à la section syndicale : affichage des informations sur le panneau de la section syndicale dans l'entreprise, organisation ou participation à des réunions syndicales dans l'entreprise.

Il peut publier et distribuer des tracts syndicaux. Il peut ainsi faire valoir l'opinion de son organisation syndicale sur les points à l'ordre du jour des réunions CSE et donner son avis, avec étiquette syndicale, sur les questions posées.

Il a accès à tous les documents qui sont soumis par l'employeur aux élus du CSE et est tenu à une obligation de discrétion concernant les informations présentées comme confidentielles par l'employeur.

Heures de délégation

 Chaque représentant de la section syndicale dispose d'un temps nécessaire à l'exercice de ses fonctions au moins égal à 4 heures par mois. Les heures de délégation sont de plein droit considérées comme du temps de travail et payées à l'échéance normale (4).

À noter : l'employeur qui entend contester l'utilisation faite des heures de délégation ne peut que saisir le juge judiciaire.

Sauf accord collectif contraire, lorsque le représentant du personnel élu ou désigné est un salarié pour lequel a été mise en place une convention de forfait jours sur l'année, le crédit d'heures est regroupé en demi-journées qui viennent en déduction du nombre annuel de jours travaillés fixé dans la convention individuelle du salarié. Une demi-journée correspond à 4 heures de mandat.

Lorsque le crédit d'heures ou la fraction du crédit d'heures restant est inférieur à 4 heures, le représentant du personnel en bénéficie dans des conditions fixées par la loi.

Statut protecteur du RSS contre le licenciement

Le RSS est un salarié protégé et bénéficie, à ce titre, d'une protection contre le licenciement pendant toute la durée du mandat et au-delà, dans un délai de 12 mois (s'il a exercé ses fonctions pendant au moins 12 mois) (5).

 À lire : Quelles sont les possibilités de rupture du contrat de travail d’un salarié protégé ?

Fin du mandat

Le mandat du représentant de la section syndicale prend fin, à l'issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation, dès lors que le syndicat qui l'a désigné n'est pas reconnu représentatif dans l'entreprise (6).

Le salarié qui perd ainsi son mandat de représentant syndical ne peut pas être désigné à nouveau comme représentant syndical au titre d'une section jusqu'aux 6 mois précédant la date des élections professionnelles suivantes dans l'entreprise.

Le mandat prend également fin en cas de retrait du mandat de RSS par le syndicat, de démission de son mandat ou de rupture du contrat de travail.

Références :
(1) Cass. Soc., 20 décembre 2023, n°22-21983
(2) Article L2142-1-1 du Code du travail
(3) Article L2142-1-4 du Code du travail
(4) Article L2142-1-3 du Code du travail
(5) Article L2411-5 du Code du travail 
(6) Articles L2142-1-1 et L2142-1-2 du Code du travail