Définition : quand peut-on parler de travail dissimulé ou travail au noir ?
Le travail dissimulé est une forme de travail illégal (1). C'est un délit (2) dès lors que les formalités liées au contrat de travail n'ont pas été respectées et que l'employeur ne pouvait ignorer qu'il était soumis à cette obligation (3).
Les agents de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et de l'inspection du travail sont compétentes pour contrôler les infractions liées au travail dissimulé (4). D'autres agents sont également compétents.
Cette infraction est caractérisée par la dissimulation partielle ou totale du travail (5).
Le caractère non-intentionnel de l'absence d'accomplissement des formalités auprès des organismes sociaux ne peut pas se déduire des difficultés financières que peut connaître l'employeur pour s'acquitter des cotisations (6).
Notez que la publicité, par quelque moyen que ce soit, tendant à favoriser, en toute connaissance de cause, le travail dissimulé, est interdite.
Quelles sont les deux formes de travail dissimulé ?
Il existe 2 types de travail dissimulé :
- le travail dissimulé par dissimulation d'activité (7) ;
- le travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié (8).
Le travail dissimulé par dissimulation d'activité
On parle de "dissimulation d'activité" pour désigner :
- l'exercice, à but lucratif :
- d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ;
- de l'accomplissement d'actes de commerce ;
-
par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :
-
n'a pas demandé son immatriculation au Registre national des entreprises en tant qu'entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat ou au Registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;
-
ou n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale (notamment dans le cas d'une non-déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires, de ses revenus ou de la continuation d'activité après avoir été radiée par les organismes de protection sociale à défaut de chiffre d'affaires ou de déclaration de chiffre d'affaires) ;
-
ou s'est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l'employeur de ces derniers exerce dans l'État sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.
-
Le travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait, pour tout employeur :
-
de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable à l'embauche (DPAE) ;
-
de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli (si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail) ;
-
ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale.
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Notez néanmoins que les travaux d'urgence dont l'exécution immédiate est nécessaire pour prévenir les accidents imminents ou organiser les mesures de sauvetage, ne sont pas constitutifs de travail dissimulé (9).
Quelles sanctions et peines sont encourues par l'employeur coupable de travail dissimulé ?
Un employeur peut être sanctionné soit parce qu'il se rend lui-même coupable de travail dissimulé au sein de son entreprise, soit parce qu'il a recouru sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé (sous-traitance) (5).
En ce qui le concerne, l'employeur coupable de travail dissimulé s'expose à des sanctions administratives, sociales et pénales.
Les sanctions administratives encourues
En cas de contrôle, l'employeur coupable de travail dissimulé encourt notamment les sanctions suivantes :
- la suppression des aides publiques par le préfet (10) (par exemple, les aides à l'embauche d'un contrat d'apprentissage) pendant 5 ans maximum ;
- le remboursement des aides publiques déjà perçues sur les 12 derniers mois (10) ;
- la fermeture provisoire de l'établissement ;
- l'exclusion des contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, pour une durée maximale de 6 mois (11).
Les sanctions sociales encourues
D'un point de vue social, le fait d'avoir recours au travail dissimulé expose l'employeur fautif au paiement d'un montant de cotisations sociales majoré en cas de contrôle.
Plus précisément, le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l'issue d'un contrôle, est majoré de 25% en cas de travail dissimulé par dissimulation d'activité ou par dissimulation d'emploi salarié (12).
La majoration est portée à 40% dans le cas de l'emploi dissimulé d'un mineur soumis à l'obligation scolaire, ou dans le cas d'autres circonstances aggravantes.
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Les sanctions pénales encourues
Pour les personnes physiques
L'employeur personne physique qui a recours aux services d'un travailleur dissimulé risque jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende (13).
En outre :
-
si le travail dissimulé concerne un mineur ou une personne dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance est apparent ou connu de l'auteur, la sanction va jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende (14) ;
-
si le délit est commis en bande organisée, la sanction est de 10 ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende (14).
L'employeur fautif peut en outre faire l'objet des peines complémentaires suivantes (15) :
-
l'interdiction, soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.
Ces interdictions d'exercice peuvent être prononcées cumulativement ;
-
l'exclusion des marchés publics pour une durée de 5 ans au plus ;
-
la peine de confiscation des biens meubles ou immeubles ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre, et dont le condamné est propriétaire ;
-
l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée ;
-
l'interdiction des droits civiques, civils et de famille.
Pour les personnes morales
La société auteur de l'infraction (qui peut être une société à responsabilité limitée - SARL, une société par actions simplifiée - SAS, etc.) risque, entre autres peines, 225.000 euros d'amende (amende prévue pour les personnes physiques x 5) et l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée (17).
225.000 eurosAmende encourue par une société coupable de travail dissimulé
Sont également encourues, entre autres :
-
la dissolution de la société, lorsque celle-ci a été créée ou détournée de son objet pour commettre les faits incriminés ;
-
l'exclusion des marchés publics à titre définitif, ou pour une durée de 5 ans au plus ;
-
la confiscation des biens utilisés dans le cadre de l'infraction ;
-
l'interdiction, pour une durée de 5 ans au plus, de percevoir toute aide publique attribuée par l'Etat, les collectivités territoriales, leurs établissements ou leurs groupements ainsi que toute aide financière versée par une personne privée chargée d'une mission de service public.
Quels sont les délais de prescription en matière de cotisations sociales ?
Le délai de prescription est de 3 ans. Il court à compter du 1ᵉʳ janvier de l'année qui suit celle pour laquelle les cotisations sont dues.
Sous-traitance et travail au noir : que risquez-vous, en tant qu'employeur ?
Le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est interdit (5).
Si vous faites appel à un sous-traitant, vous êtes soumis à un devoir de vigilance.
Si le contrat vous liant à votre sous-traitant est d'un montant supérieur à 5.000 euros hors taxes, vous devez en effet veiller à ce que celui-ci s'acquitte, notamment, de toutes les formalités administratives nécessaires en ce qui concerne son immatriculation, et qu'il remplisse ses obligations déclaratives à l'égard des administrations fiscale et sociale (18).
En cas de contrôle, vous serez tenu d'apporter la preuve de votre bonne foi.
Exemples de décisions sanctionnant le travail dissimulé : sanctions pénales, amendes et dommages-intérêts
Les décisions sanctionnant les employeurs pour travail dissimulé ne sont pas rares.
À titre d'exemple, le 19 avril 2022, le Tribunal correctionnel de Paris a condamné à une forte amende la plateforme de livraison Deliveroo pour travail illégal. Elle était accusée d'avoir fait travailler, entre 2015 et 2017, des livreurs sous un statut de travailleurs indépendants aux conditions précaires alors qu'ils auraient dû être qualifiés de salariés.
Si la Cour de cassation avait déjà retenu la qualification de contrat de travail pour de “faux indépendants” (19), il s'agit cette fois-ci d'une condamnation pénale.
Les anciens dirigeants ont été condamnés à une amende et à une peine d'emprisonnement avec sursis.
Deliveroo a aussi été condamné à verser des dommages et intérêts à chacune des 5 organisations syndicales (CGT, Union Solidaires, SUD-Commerces et services, SUD-Commerces et services Île-de-France et Syndicat national des transports légers) qui se sont constituées parties civiles.
Notez, pour rappel, que les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice toutes les actions en faveur d'un salarié, sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé (20).
Plan de lutte 2023-2027 contre le travail illégal : quel est le programme et le rôle de l'URSSAF ?
Le plan de lutte (21), présenté le 22 mai 2023 par l'ex-Ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, Olivier DUSSOPT, propose 34 mesures destinées à intensifier les contrôles et les sanctions en matière de travail dissimulé.
34 mesuresPour mieux contrôler et mieux sanctionner
Le plan prévoit 2 phases pour parvenir à ses objectifs :
- d'abord, mieux contrôler, en ciblant des actions de contrôle sur des secteurs et enjeux prioritaires adaptés au niveau territorial puis en mettant en oeuvre des modalités d'actions plus efficaces ;
- ensuite, mieux sanctionner, en renforçant l'efficacité et l'effectivité des sanctions, puis en réparant les préjudices liés au travail illégal.
Parmi ces mesures, nous trouvons par exemple :
- les actions de contrôle et de prévention pour les grands événements sportifs, comme les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ;
- la lutte contre les faux statuts (faux indépendants) ;
- le développement de la coopération en matière de lutte contre les fraudes transnationales.
Ces chiffres vont avoir tendances à encore augmenter au fil des années. Pour ce faire, une campagne de recrutement accrue est prévue pour multiplier les contrôles de l'URSSAF. En effet, 240 contrôleurs de l'URSSAF de plus sont prévus, permettant d'atteindre un total de 570 inspecteurs d'ici à 2027.
À noter : l'URSSAF relève que le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) fait partie des secteurs les plus concernés.
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(2) Article L8221-5 du Code du travail
(3) Cass. Soc. 27 septembre 2015, n°04-85558
(4) Articles L8271-1 et L8271-1-2 du Code du travail
(5) Article L8221-1 du Code du travail
(6) Cass. Soc. 18 décembre 2013, n°12-23676
(7) Article L8221-3 du Code du travail
(8) Article L8221-5 du Code du travail
(9) Article L8221-2 du Code du travail
(10) Articles L8272-1 et D8272-1 du Code du travail
(11) Article L8272-4 du Code du travail
(12) Article L243-7-7 du Code de la Sécurité sociale
(13) Article L8224-1 du Code du travail
(14) Article L8224-2 du Code du travail
(15) Article L8224-3 du Code du travail
(16) Article L8224-5 du Code du travail
(17) Article L8223-1 du Code du travail
(18) Article R8222-1 du Code du travail et Cass. Civ. Soc., 4 septembre 2024, n°22-22860
(19) Cass. Soc., 4 mars 2020, n°19-13316
(20) Article L8223-4 du Code du travail
(21) Plan national de lutte contre le travail illégal (2023-2027)
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