Une contribution identique et unique à verser : quelles charges sur la "prime" de rupture ?
Changement issu de la réforme des retraites applicable depuis le 1er septembre 2023
Selon une étude de la DARES (Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques), le nombre de ruptures conventionnelles augmente régulièrement. Au 3ème trimestre 2023, 130.100 ruptures conventionnelles ont lieu en France métropolitaine sur le champ privé, hors agriculture et particuliers employeurs (+1,9% par rapport au trimestre précédent) (1).
Une des raisons pouvant expliquer cet "engouement" réside dans le fait qu'avant le 1er septembre 2023, le régime social applicable aux indemnités de rupture conventionnelle était attractif pour les entreprises, davantage que celui applicable à l'indemnité de mise à la retraite.
La réforme des retraites a modifié ces deux régimes.
Depuis le 1er septembre 2023, il ne s'agit plus ni d'un forfait social ni d'une contribution patronale, mais d'une contribution unique qui s'applique sur la partie exonérée de cotisations sociales (2).
Cette contribution unique remplace :
- le forfait social de 20 % du montant de l’indemnité de rupture conventionnelle (applicable aux salariés ne pouvant pas bénéficier d’une pension de retraite) ;
- la contribution patronale de 50 % de l'indemnité versée pour la mise à la retraite du salarié.
Régime social et conditions d'exonération de cotisation :
- concernant les cotisations sociales : l’indemnité est exonérée de cotisations, dans la limite du montant exonéré d'impôt sur le revenu et sans pouvoir dépasser 2 fois le plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS) (soit 92.736 euros en 2024).
Elle est soumise à cotisations dès le premier euro si elle dépasse 10 fois le PASS (soit 463.680 euros pour 2024) ; - pour les CSG/CRDS : l’indemnité est exonérée de CSG et CRDS dans la limite de l'indemnité légale ou conventionnelle.
Si l’indemnité versée au titre de la rupture conventionnelle est supérieure à ce montant, la fraction qui dépasse est assujettie à la CSG/CRDS.
Si l’indemnité dépasse 10 fois le PASS, elle est soumise à cotisations sociales dès le premier euro.
Pour diverses raisons, et notamment en vue de maintenir l'emploi des séniors à l'approche de la retraite en même temps que de limiter le recours aux ruptures conventionnelles qui serviraient de "pré-retraites déguisées", les deux régimes ont été harmonisés.
Remplacement du forfait social par une contribution unique : un même régime social pour les deux modes de rupture
Depuis le 1er septembre 2023, les employeurs sont tenus de verser une contribution unique de 30% (3) (pour la part exclue de cotisations sociales), quel que soit le mode de rupture choisi.
Il n’y a plus de distinction selon la situation du salarié vis-à-vis de la retraite (droit à la retraite ou non).
Cette contribution unique est instituée au profit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).
À noter : en termes de fiscalité (impôt sur le revenu) pour les salariés, les deux modes de rupture conservent un régime différent.
Un coût désormais équivalent ? Pas tout à fait
Légalement, l'indemnité de départ à la retraite que l'employeur est tenu de verser au salarié sortant reste plus importante que l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
L'employeur doit toujours se reporter aux dispositions conventionnelles qui peuvent prévoir des montants plus importants que ceux fixés par le législateur. À savoir, l'employeur doit toujours appliquer la disposition la plus favorable au salarié.
Pour en savoir plus : le coût de la réforme des retraites en entreprises : stratégies, défis et opportunités.
L'indemnité spécifique de rupture conventionnelle
La convention établie par les parties définit les conditions de la rupture, notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
Ce montant ne peut pas être inférieur à celui de l'indemnité de licenciement qui augmente selon le nombre d'années d'ancienneté.
L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants (4) :
- 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans ;
- 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de 10 ans.
À savoir : les salariés ont tendance à négocier une indemnité supralégale, mais il convient de leur rappeler que plus elle est élevée, plus le début de l'indemnisation par France Travail (Aide au retour à l'emploi) est reporté : application d'un délai de carence.
L'indemnisation en cas de départ à la retraite
Le Code du travail prévoit que le taux de l'indemnité de départ en retraite est au moins égal aux montants suivants (5) :
- 1/2 mois de salaire après 10 ans d'ancienneté ;
- 1 mois de salaire après 15 ans d'ancienneté ;
- 1 mois et 1/2 de salaire après 20 ans d'ancienneté ;
- 2 mois de salaire après 30 ans d'ancienneté.
Autre différence : la procédure à respecter
Quel est l'avantage de faire une rupture conventionnelle ? Une procédure simple
Ce mode de rupture d'un commun accord ne concerne que les salariés en contrat à durée indéterminée (CDI).
Les parties au contrat conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels elles peuvent se faire assister (6).
Elles signent une convention de rupture qui en définit les conditions (montant de l'indemnité spécifique, date de la rupture...).
À l'issue d'un délai d'environ 4 à 5 semaines - incluant délais de rétractation, d'homologation par la DREETS (Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités) et délais postaux -, la rupture peut être effective.
À noter : il n'y a pas de préavis dans le cadre d'une rupture conventionnelle : les parties conviennent ensemble de la date de rupture.
Attention ! La rupture conventionnelle peut faire l'objet d'un litige concernant la convention, l'homologation ou le refus d'homologation. Tout litige relèverait de la compétence du conseil des prud'hommes et devrait être formé, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de 12 mois à compter de la date d'homologation de la convention.
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Mise à la retraite : déterminer l'âge du salarié
3 mois avant l'anniversaire du salarié, l'employeur qui envisage une mise à la retraite, doit l'interroger par écrit sur son intention de quitter volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse (7).
Le salarié dispose d'un délai d'1 mois pour y répondre. La même procédure est applicable chaque année jusqu'au 69e anniversaire du salarié.
La contribution unique est instituée en cas de mise à la retraite d'un salarié à l'initiative de l'employeur pour la part exclue de l'assiette des cotisations de sécurité sociale.
Entre 67 et 69 ans
En cas d'accord du salarié :
Aucune procédure n'est imposée à l'employeur pour informer officiellement de votre mise à la retraite, sauf si une convention ou un accord collectif le prévoit.
À noter : pour un salarié protégé, l’inspection du travail doit autoriser la mise à la retraite.
L'employeur fixe la date de départ en considérant le délai de préavis qui est identique à la durée de préavis prévue en cas de licenciement (8). La convention collective peut prévoir un délai différent.
En cas de refus du salarié :
L'employeur ne peut procéder à la mise à la retraite.
À partir de 70 ans
L'employeur peut mettre le salarié, d’office à la retraite sans son accord.
Sauf dispositions conventionnelles ou accord collectif contraire, aucune procédure n'est exigée à l'employeur pour informer le salarié de sa mise à la retraite, sauf pour un salarié protégé.
Attention ! Si les conditions de mise à la retraite ne sont pas réunies, la rupture du contrat de travail par l'employeur constitue un licenciement (9).
La rupture conventionnelle ne peut pas s'appliquer à tout mode de rupture.
Exemples : dans le cadre de plans de sauvegarde de l'emploi ou encore pour détourner la procédure de licenciement pour motif économique.
Avec la nouvelle possibilité pour l'employeur de présumer d'une démission concernant un salarié qui procéderait à un abandon de poste (10), et l'instauration de la nouvelle contribution unique à la charge de l'employeur, la prochaine étude de la DARES fera peut-être part d'une diminution de nombre de ruptures conventionnelles.
(2) Loi n°2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023
(3) Article L137-12 du Code de la sécurité sociale
(4) Article R1234-2 du Code du travail
(5) Articles L1237-7 et D1237-1 du Code du travail
(6) Article L1237-12 du Code du travail
(7) Article L1237-5 du Code du travail
(8) Article L1237-6 du Code du travail
(9) Article L1237-8 du Code du travail
(10) Article L1237-1 du Code du travail
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