Plusieurs usagers de la préfecture du Val de Marne étaient, récemment, victimes d’un incident prenant la forme d’un refus de guichet lors de leurs rendez-vous dans le cadre du dépôt de leurs demandes d’admission exceptionnelle au séjour aux titres de la vie privée et familiale et du travail. 

L'agent préfectoral outrepasse ses pouvoirs

En effet, l’agent préfectoral qui a reçu les usagers, après avoir constaté la complétude de leurs dossiers et récupéré tous les documents nécessaires à leur envoi en instruction, a finalement pris la décision de refuser son dossier au motif que les intéressés ont été exposés à une obligation de quitter le territoire français et/ou à une interdiction de retour du territoire français durant la période de janvier 2023 à mai 2024.

En agissant ainsi, alors qu’il n’appartient nullement aux guichetiers préfectoraux de statuer ou de donner une quelconque appréciation quant à la qualité du dossier des étrangers effectuant une demande d’admission exceptionnelle au séjour dès lors que celui-ci est complet et comporte toutes les pièces mentionnées sur l’annexe rattachée à la convocation, l’agent préfectoral a manifestement outrepassé ses pouvoirs et agi en contradiction avec les fonctions qui lui ont été attribuées par l’administration.

Les refus de guichet, ce qu'en dit la jurisprudence

Selon une jurisprudence constante, les refus de guichet en préfecture lors d’un rendez-vous de dépôt de demande de titre de séjour sont systématiquement considérés comme étant entachés d’illégalité dès lors que le dossier refusé était complet et que la demande n’était pas manifestement dilatoire ou abusive

Cette règle a notamment été énoncée dans un arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles en date 5 juillet 2022 (n° 21VE02677) selon lequel : 

"6. Il résulte de ces dispositions qu'en dehors du cas d'une demande à caractère abusif ou dilatoire, l'autorité administrative chargée d'instruire une demande de titre de séjour ne peut refuser de l'enregistrer, et de délivrer le récépissé y afférent, que si le dossier présenté à l'appui de cette demande est incomplet. Le caractère abusif ou dilatoire de la demande doit s'apprécier compte tenu d'éléments circonstanciés. Le simple fait que l'étranger soit sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire ne suffit pas à le caractériser. »

La même solution a été retenue très récemment par la Cour administrative d’appel de Nancy dans un arrêt en date du 18 juin 2024 (n°22NC02881) qui mentionne également les situations dans lesquelles l'obligation de quitter le territoire français est assortie d'une interdiction de retour sur le territoire : 

"5. Il résulte de ces dispositions qu'en dehors du cas d'une demande à caractère abusif ou dilatoire, l'autorité administrative chargée d'instruire une demande de titre de séjour ne peut refuser de l'enregistrer, et de délivrer le récépissé y afférent, que si le dossier présenté à l'appui de cette demande est incomplet. Le caractère abusif ou dilatoire de la demande doit s'apprécier compte tenu des éléments circonstanciés. Dès lors que le préfet dispose toujours de la faculté de faire usage de son pouvoir discrétionnaire en vue de régulariser la situation d'un ressortissant étranger et de prononcer l’abrogation d'une interdiction de retour, le simple fait que l'étranger a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire ou que l'interdiction de retour prononcée à son encontre produisait encore ses effets ne suffit pas à caractériser le caractère abusif ou dilatoire d'une demande de titre de séjour. »

Dès lors, aucune règle juridique n'autorise l’agent préfectoral à refuser le dépôt du dossier des usagers étrangers lors de la demande de titre de séjour au titre de la régularisation. Il est donc indispensable qu’un nouveau rendez-vous soit attribué sans délai à ces derniers afin qu’ils puissent déposer leurs dossiers et que, comme le prévoit la législation, il soit instruit par les agents compétents.

 

Par Me Fayçal Megherbi, avocat