Multiplication des locations Airbnb en France : pourquoi la réglementation était-elle appelée à évoluer ?
Un constat amer pour le marché locatif sur l'ensemble du territoire (Paris, Pays Basque, etc.)
Le constat est général : les locations de meublés de tourisme se multiplient en France, au détriment des locations longue durée.
Du fait de certaines dispositions fiscales de faveur, certains propriétaires n'hésitent plus, en effet, à transformer la nature de la location des biens qu'ils possèdent pour aller vers plus de rendement.
800.000 logements mis en location touristique en 2021, contre 300.000 en 2016
La mise en location de biens immobiliers n'est ainsi plus envisagée comme l'offre de logements stables pour les travailleurs et les familles, mais davantage comme un outil d'optimisation fiscale.
Tous les secteurs et toutes les villes, quelle que soit leur taille, sont concernées par le phénomène : Bretagne, littoral méditerranéen, Corse, Paris, Saint-Malo, Rennes, Bayonne, Paimpol, etc.
L'effet est double, notamment en zones tendues : outre la rarification des offres de logements durables, les loyers sont en forte hausse, et poussent les résidents et les commerces de proximité à quitter les centre-villes pour se rabattre sur la périphérie.
L'objectif affiché de trouver un équilibre entre le maintien de l'offre pour le tourisme et la vie quotidienne des territoires locaux
Pour remédier à cette situation problématique, une proposition de loi visant à réguler les meublés de tourisme à l'échelle locale vient d'être adoptée par le Parlement (1).
Il s'agit non pas d'interdire les meublés de tourisme, mais de réguler une activité nécessaire dans les zones touristiques, qui prend aujourd'hui une ampleur incontrôlable. Cette loi ne réglera pas, à elle seule, la crise du logement que nous traversons, mais elle demeure indispensable face au phénomène de sortie des logements du parc des locations de longue durée.
Annaïg Le Meur, rapporteure du texte
Bon à savoir : le texte de loi présente un caractère transpartisan, puisqu'il a recueilli un large consensus parmi toutes les sensibilités politiques, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
Meublés de tourisme, classés et non classés : définitions
Selon les termes de la loi, les "meublés de tourisme" sont des villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois (2).
Tout propriétaire d'un meublé de tourisme peut demander à ce que celui-ci fasse l'objet d'un classement, en 5 catégories allant de 1 à 5 étoiles, et valable 5 ans (3).
Ce classement repose sur l'évaluation de certains critères, parmi lesquels :
- les équipements et aménagements du logement (surface de l'habitation, téléphonie et communication, éclairages, accès internet par Wifi, télévision à écran plat avec télécommande, etc.),
- les services proposés (cadeau de bienvenue, accueil sur place par le propriétaire, etc.).
Volet 1 de la loi anti-Airbnb 2024 : quelles sont les règlementations fiscales prochainement applicables aux meublés de tourisme en France ?
Actuellement, les meublés de tourisme bénéficient d'une fiscalité très avantageuse, qui explique, au moins partiellement, l'engouement des propriétaires pour ce type de location.
Afin d'éviter que le levier fiscal ne continue à être source de déséquilibre, la loi Le Meur aménage, à compter de l'imposition des revenus 2025, les règles d'imposition au régime micro-BIC des meublés de tourisme classés et des chambres d'hôtes.
Pour que cela soit plus clair, voici deux tableaux qui comparent les régimes fiscaux applicables aux revenus locatifs perçus en 2024 d'une part, et aux revenus locatifs perçus en 2025 d'autre part :
Régime micro-BIC/revenus locatifs perçus en 2024 (4)
Type d'activités |
Chiffre d'affaires (CA) de l'année N-1 ou N-2 ⩽ |
Abattement forfaitaire applicable pour la détermination du bénéfice imposable |
Meublés classés et chambres d'hôtes |
188.700 € | 71 % |
Meublés non classés* |
77.700 € |
50 % |
*La loi de finances pour 2024 a d'ores et déjà aménagé les dispositions fiscales applicables aux meublés de tourisme non classés, en abaissant le seuil de CA d'application du régime micro-BIC à 15.000 euros et en fixant l'abattement forfaitaire à 30 %.
Néanmoins, l'administration fiscale a admis que les contribuables puissent continuer à appliquer à leurs revenus de 2023 les dispositions antérieurement applicables (qui prévoyaient un seuil de 77.700 euros et un abattement forfaitaire de 50 %).
Le Conseil d'État a annulé cette mesure de tolérance administrative, mais cette annulation n'a toutefois pas eu d'effet pour les contribuables ayant déjà appliqué cette solution dans les délais impartis (5).
Néanmoins, la loi anti-Airbnb précise que pour l'imposition des revenus perçus en 2024, les dispositions du CGI s'appliquent dans leur rédaction antérieure à la loi n°2024-1322 du 29 décembre 2023.
Régime micro-BIC/revenus locatifs perçus à compter du 1er janvier 2025 (apports de la Loi Le Meur) (6)
Type d'activités |
CA N-1 ou N-2 ⩽ |
Abattement forfaitaire applicable |
Meublés classés et chambres d'hôtes |
77.700 € | 50 % |
Meublés non classés |
15.000 € |
30 % |
Volet 2 de la loi anti-Airbnb 2024 : quelles sont les nouvelles règles juridiques et administratives applicables aux meublés de tourisme ?
Généralisation de la procédure d'enregistrement des meublés de tourisme en mairie
Actuellement, tout meublé de tourisme doit faire l'objet d'une déclaration en mairie. Néanmoins, cette déclaration ne fait pas toujours l'objet d'un enregistrement, qui permet pourtant de demander au loueur la transmission de pièces justificatives.
Pour accroître la visibilité sur l'offre de locations en meublés de tourisme, la loi généralise l'obligation, pour toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, de procéder préalablement en personne à une déclaration soumise à enregistrement de son bien auprès d'un téléservice national.
Elle obtiendra en retour un numéro d'enregistrement.
Sa déclaration devra indiquer si le meublé de tourisme offert à la location constitue sa résidence principale, et si tel est le cas, en rapporter la preuve. Il sera tenu de mettre à jour sa déclaration en cas de changement des informations et des pièces justificatives fournies.
Cette disposition entrera en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard à compter du 20 mai 2026.
💡 Quel est l'intérêt d'une telle démarche ? À réception de sa déclaration, toutes les informations et pièces justificatives que le loueur aura fournies seront mises à disposition de la commune dans laquelle est situé le meublé de tourisme.
De fait, le maire sera en mesure d'avoir des données plus précises sur l'équilibre du marché locatif sur sa commune, et pourra contrôler le respect, par les loueurs de meublés de tourisme, de la réglementation applicable (notamment en matière de performance énergétique).
Soumission des meublés de tourisme à la réglementation relative aux niveaux de performance énergétique (DPE)
La nouvelle loi prévoit que l'ensemble des meublés de tourisme (à l'exception des logements constituant la résidence principale du loueur) seront tenus, à compter du 1er janvier 2034, de respecter les niveaux de performance énergétique d'un logement décent (soit la classe D, à cette date).
Le maire pourra réclamer à tout moment au propriétaire d'un tel meublé de lui fournir, dans un délai de 2 mois, le diagnostic de performance énergétique (DPE) en cours de validité. En l'absence d'une telle transmission, le propriétaire sera passible d'une astreinte administrative de 100 euros par jour.
🔍 En outre, tout propriétaire qui louera ou maintiendra en location un meublé de tourisme ne respectant pas les niveaux de performance d'un logement décent fera l'objet d'une amende administrative d'un montant maximal de 5.000 euros par local concerné.
Les pouvoirs des maires sont accrus en matière de régulation de l'offre de meublés de tourisme
Puisque les maires sont en première ligne des difficultés de logement durable des habitants de leur commune, la loi met à leur disposition divers outils pour parvenir à mieux contrôler l'expansion de l'offre à la location de meublés de tourisme au niveau local.
Où devrait s'appliquer la règle des "90 jours Aibnb" pour les résidences principales ? De quoi s'agit-il exactement ?
D'abord, elle précise que la commune pourra abaisser le nombre de jours maximal pendant lesquels une personne peut offrir à la location sa résidence principale en meublé de tourisme.
🔍 Actuellement, dans les communes ayant mis en place la procédure d'enregistrement, ce délai maximal est de 120 jours au cours d'une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure (7). Si ce délai maximal est dépassé, le logement perd sa qualité de "résidence principale", et le loueur doit alors, selon les cas, procéder à une demande d'autorisation de changement d'usage pour régulariser sa mise en location touristique.
90 joursDélai maximal pouvant être fixé par la commune
À compter du 1ᵉʳ janvier 2025, les communes situées en zones tendues ayant choisi de soumettre ces locaux à la procédure d'enregistrement auront le pouvoir d'abaisser ce seuil à 90 jours. Si le propriétaire vient à dépasser ce seuil, il pourra faire l'objet d'une amende civile de 15.000 euros.
NB : cette règle a vocation à s'appliquer dans tous les communes, sans exception, à compter d'une date fixée par décret et au plus tard le 20 mai 2026.
Focus sur la création de zones exlusives "résidences principales"
Par ailleurs, la loi prévoit que depuis le 21 novembre 2024, le règlement du plan local d'urbanisme peut délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels toutes les constructions nouvelles de logements doivent être à usage exclusif de résidence principale. Concrètement, cela donnera lieu à la création de secteurs réservés à la construction de résidences principales.
⚠ Notez que cette délimitation n'est possible que lorsque, dans le périmètre du règlement, la taxe annuelle sur les logements vacants est applicable ou lorsque les résidences secondaires représentent plus de 20 % du nombre total d'immeubles à usage d'habitation.
À noter : du fait de ces dispositions, la loi relative aux baux d'habitation et mixtes (loi du 6 juillet 1989) est modifiée et prévoit désormais que le locataire est tenu de se conformer à cette obligation d'occupation à titre de résidence principale dans les zones concernées, et que toute violation de cette obligation de sa part entraînera la résiliation de plein droit du bail.
Quels sont les nouveaux pouvoirs des copropriétés en matière de régulation des locations de meublés de tourisme ?
La loi élargit également les prérogatives des copropriétés en matière de régulation de l'offre à la location de meublés de tourisme.
D'abord, elle prévoit que les règlements de copropriété établis à compter du 21 novembre 2024 (date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi) doivent mentionner, de manière explicite, l'autorisation ou au contraire l'interdiction de location de meublés de tourismes dans l'immeuble.
🔍 En outre, elle prévoit qu'à compter du 21 novembre 2024, si le règlement de copropriété interdit d'ores et déjà toute activité commerciale dans les lots qui ne sont pas spécifiquement à destination commerciale, l'assemblée des copropriétaires peut décider, à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les 2/3 des voix les concernant (soit la majorité simple, contre une règle d'unanimité actuellement), d'interdire la location d'appartements en meublés de tourisme.
NB : l'interdiction de la location d'appartements en meublés de tourisme ne peut donc être valablement votée à la majorité simple qu'à la condition que le règlement de copropriété comprenne d'ores et déjà une clause restrictive relative à l'exercice des activités commerciales (communément appelée "clause d'habitation bourgeoise").
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Enfin, la loi prévoit que lorsqu'un lot de copropriété fait l'objet d'une déclaration de meublé de tourisme, le copropriétaire ou le locataire doit obligatoirement en informer le syndic de copropriété. Corrélativement, un point d'information par le syndic de l'activité de location de meublés touristiques au sein de la copropriété doit être inscrit à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale.
Cette disposition est elle-aussi applicable depuis le 21 novembre 2024.
Sources :
(1) Loi n°2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale
(2) Article L324-1-1 du Code du tourisme
(3) Articles L324-1 et s. et D324-61 et s. du Code du tourisme, Arrêté du 24 novembre 2021 modifiant l'arrêté du 2 août 2010 fixant les normes et la procédure de classement des meublés de tourisme
(4) Article 50-0 du Code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024
(5) BOI-BIC-CHAMP-40-20, n°55, Décision du Conseil d'Etat du 8 juillet 2024, n°492382
(6) Article 50-0 du Code général des impôts, dans sa version en vigueur au 19 novembre 2024
(7) Article L324-1-1, IV du Code de tourisme
Rien à dire