Dans un arrêt du 29 juin 2022 (n° 20-22.220), publié au bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation a apporté une précision importante dans l’exercice de rédaction par l’employeur de la lettre de licenciement.
Le litige concernait la contestation devant la juridiction prud’homale d’un licenciement pour faute grave par une salariée qui occupait les fonctions de directrice commerciale au sein d’une banque.
L’employeur n’avait pas mentionné dans la lettre de licenciement que la salariée peut, en vertu des dispositions de l’article R. 1232-13 du code du travail, lui demander d’apporter des précisions sur les motifs de la rupture.
Pour la requérante, cette mention n’est pas une simple faculté mais une obligation : il incombe à l’employeur d’inscrire cette information dans la lettre de licenciement.
Son raisonnement n’est pas suivi par la juridiction d’appel et l’affaire est portée devant la Cour de cassation qui devait statuer sur la portée de ces dispositions : la mention dans la lettre de licenciement du droit pour le salarié de demander à l’employeur des précisions sur les motifs de rupture est-elle obligatoire ?
Pour répondre à cette question, la Cour de cassation commence par rappeler l’état du droit en vigueur sur cette question, pas si ancienne que cela puisqu’elle résulte de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.
Aux termes de l’article L. 1235-2 du code du travail dans sa rédaction issue de cette ordonnance, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 du même code peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'État.
Selon l’article R. 1232-13 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017, le salarié peut, dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, demander à l’employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement.
L’employeur dispose d’un délai de quinze jours après la réception de la demande du salarié pour apporter des précisions s'il le souhaite. Il communique ces précisions au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.
Dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement et selon les mêmes formes, l’employeur peut, à son initiative, préciser les motifs du licenciement.
Après avoir rappelé le nouveau formalisme, la Cour de cassation répond de manière très claire à la problématique posée, par un attendu de principe sans équivoque : « aucune disposition n’impose à l’employeur d’informer le salarié de son droit de demander que les motifs de la lettre de licenciement soient précisés ».
L’employeur n’est donc pas obligé de mentionner dans la lettre de licenciement que le salarié a la faculté de demander des précisions sur les motifs du licenciement, selon les modalités de l’article L. 1235-2 du code du travail.
Il est vrai que ni ce dernier texte, ni l’article R. 1232-13 du code du travail qui en constitue sa prolongation, ne posent à la charge de l’employeur une obligation de cet ordre dans la rédaction de la lettre de licenciement, de sorte que, d’un point de vue strictement textuel, la solution retenue par la Cour de cassation ne peut souffrir d’aucune contestation.
Il est certain que cette solution s’inscrit dans une volonté de ne pas alourdir le formalisme de la lettre de licenciement.
En pratique, parce qu’il y avait un doute sur la sanction de l’inobservation de ce formalisme, l’employeur insérait quasi-systématiquement dans la lettre de licenciement la mention de la possibilité pour le salarié de demander des précisions sur les motifs du licenciement.
Dorénavant, puisque toute perspective de sanction est levée, il ne sera pas étonnant d’observer la disparition pure et simple de cette mention dans les lettres de licenciement, et ce afin, sans doute, d’éviter que le salarié soit dûment informé de sa faculté de demander des précisions sur les motifs du licenciement, et que l’employeur soit, dans le même temps, quasiment contraint d’y répondre.
Jérémy DUCLOS
Avocat
Spécialiste en droit du travail
Dossier complet répondant à mes questions