La démarche d'installation d'un dispositif de vidéosurveillance, si elle est aujourd'hui largement répandue dans les entreprises, n'est légale que si d'une part elle est justifiée par un objectif légitime de sécurisation de vos locaux, des personnes et des biens s'y trouvant, d'autre part est proportionnée au but recherché

Avant tout, et dès lors que vous envisagez de contrôler l'activité de vos salariés, la licéité d'un dispositif de caméras sur le lieu de travail est soumise à des conditions très strictes visant à préserver les intérêts des personnes dont l'image est captée (1).

Vous devez avoir un motif valable justifiant la présence de caméras

Vous devez pouvoir justifier d'un intérêt légitime à la mise en place d'un système de vidéosurveillance. L'installation de vos caméras n'est licite que si elle vise à assurer la sécurité des personnes et des biens (répondre par exemple à votre obligation de sécurité à l'égard de vos employés (2) dans un contexte particulier, ou à prévenir les vols dans vos bureaux). Le simple fait que vous ayez des locaux professionnels ne suffit donc pas à expliquer leur présence.

Le dispositif que vous mettez en place doit être proportionné à la finalité poursuivie. Ainsi, si la présence de vos caméras est légitimée par la protection des biens entreposés dans vos zones de stockage, lesdites caméras doivent être positionnées en conséquence, et non également à l'entrée des bureaux ou évoluent vos salariés. 

Vous devez respecter la vie privée de vos salariés

Même sur leur lieu de travail vos salariés ont droit au respect de leur vie privée et de leurs libertés individuelles, de sorte que le positionnement de vos caméras ne saurait vous permettre d'espionner vos employés en les plaçant sous une surveillance générale, constante et permanente qui ne serait pas justifiée et proportionnée (3)

Exemple : votre salarié manipule de l'argent. La caméra peut filmer son activité pour des raisons de sécurité, mais elle doit filmer principalement la caisse et non capter son image en permanence. 

Il est donc primordial que vous choisissiez avec rigueur l'emplacement de vos caméras, afin de veiller à leur licéité : elles peuvent filmer les entrées et sorties des locaux de travail, les issues de secours, les zones de stockage, mais en aucun cas les vestiaires, les sanitaires, les salles de pauses ou de repos, ou encore les locaux syndicaux. Dans ces derniers cas, l'atteinte à la vie privée de vos salariés n'est pas justifiée par un impératif de sécurité.

illustration

Obtenez notre dossier relatif à vos droits et obligations en matière de vidéosurveillance en entreprise !

Découvrez, dans notre dossier, vos droits et obligations en matière d'installation d'une surveillance de vos salariés afin d'être en conformité et éviter les sanctions.

Inclus23 questions/réponses, 2 modèles de lettres et 2 fiches explicatives.

Quelles sont les formalités requises pour la mise en place d'une télésurveillance des salariés ? Que dit la loi sur les caméras de surveillance au travail ?

Dés lors que votre dispositif de surveillance est installé de sorte qu'il vous permette de capter et enregistrer l'image de vos salariés (ou de clients), certaines formalités préalables s'imposent à vous.

Une obligation d'information et de consultation des représentants du personnel

Lorsque  le Comité social et économique (CSE) existe, ses membres doivent être informés et consultés avant la mise en place d'un dispositif de vidéosurveillance (4).

illustration

Bon à savoir : 

Si l'avis du CSE ne vous lie pas pour mettre en place la vidéosurveillance dans votre entreprise, sachez que l'absence de consultation est constitutif d'un délit d'entrave. 

⚠ Tous moyens ou techniques permettant le contrôle de l'activité des salariés doivent faire l'objet d'une information et consultation du CSE. Il rendra un avis sur la mise en place du dispositif. Même si cet avis est négatif, vous pourrez le mettre en place.

Cet article peut vous intéresser : Calendrier des consultations obligatoires du CSE : quelles sont les obligations ?

Une déclaration à la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) n'est plus requise pour l'installation d'une vidéosurveillance en entreprise. Une autorisation de la Préfecture peut l'être

Caméras installées dans un lieu non ouvert au public :

Vous n'avez pas à faire de déclaration à la CNIL. En effet, cette obligation a été supprimée depuis le 25 mai 2018 (5) avec l'entrée en application du RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) (6).

Désormais, vous êtes seul responsable de la protection des données personnelles que vous détenez dans le cadre de vos activités professionnelles. Il vous incombe pleinement de veiller au respect du RGPD, et d'être en mesure de démontrer, si nécessaire, que vous êtes en conformité avec cette réglementation.

Vous devez, à ce titre, respecter quelques formalités :

  • si vous avez désigné un délégué à la protection des données (DPO), vous devez l'associer à la mise en place des caméras et lui demander conseil ;
  • vous devez vérifier si vous êtes dans l'obligation de réaliser une analyse d'impact sur la protection des données (auquel cas, vous devrez également y associer votre DPO) ;
  • vous devez inscrire le dispositif dans votre registre de traitement des données (7).

Caméras installées dans un lieu ouvert au public :

Vous ne pouvez mettre en place un dispositif de vidéosurveillance qu'après avoir obtenu l'accord de la préfecture de votre département (8). Pour faire votre demande, vous pouvez utiliser le formulaire Cerfa 13806-03, ou bien remplir un formulaire de demande en ligne (https://televideoprotection.intérieur.gouv.fr). Elle devra être accompagnée de toutes les pièces justificatives à son appui.

A noter : on parle de vidéoprotection lorsque le dispositif de vidéosurveillance est installé dans un lieu ouvert au public.

Une fois l'autorisation requise délivrée, l'information/consultation du CSE et l'information de vos salariés devront être effectuées si votre dispositif vous permet de contrôler vos salariés.

Informer les salariés qu'ils sont filmés : comment le faire ? Un affichage est-il suffisant ?

Pour que votre dispositif de vidéosurveillance soit licite (et ainsi que vous puissiez vous en servir comme moyen de preuve), vous devez impérativement avoir préalablement informé vos salariés (et/ou toute personne extérieure à votre entreprise susceptible d'être filmée) de son existence (9). Veillez à respecter le contenu obligatoire de cette information (10).

illustration

Bon à savoir :

Le règlement intérieur de votre entreprise doit également comporter une clause relative à l'installation de caméras pour des raisons de sécurité.

 Cet article peut aussi vous intéresser : Comment rédiger un bon règlement intérieur ?

Information par voie d'affichage :

Vous devez informer vos salariés par voie d'affichage dans les locaux soumis à vidéosurveillance.

Information individuelle :

Vous devez en outre informer individuellement chaque salarié concerné (par voie de mail et/ou de courrier remis en main propre contre décharge, ou en recommandé avec accusé de réception). 

illustration

Découvrez nos solutions dédiées aux professionnels

- Accédez à l'intégralité de notre base documentaire en illimité (dossiers, modèles...)
- Contactez un juriste du lundi au vendredi de 9h à 18h 
- Accédez à votre convention collective à jour des derniers accords

Quel est le délai de conservation des images de vidéosurveillance ?

En principe, la conservation des images ne doit pas excéder 1 mois

Néanmoins, il vous appartient d'estimer leur durée de conservation suivant l'objectif poursuivi pour la mise en place de votre dispositif de vidéosurveillance. Vous devez impérativement respecter le délai que vous avez annoncé à vos salariés.

Généralement, quelques jours ou semaines suffisent. Cependant, si elles sont utilisées dans le cadre d'une procédure visant une sanction disciplinaire, vous pouvez les conserver pendant toute la durée de ladite procédure, à condition qu'elles soient extraites du dispositif d'enregistrement (11).

A retenir : le fait de conserver des données à caractère personnel au-delà de la durée prévue par la loi ou le règlement, par la demande d'autorisation ou d'avis, ou par la déclaration préalable adressée à la CNIL est puni de 5 ans d'emprisonnement et de 300.000 euros d'amende (12).

Qui peut visionner les images d'un système de vidéosurveillance en entreprise ?

Il vous incombe de déterminer quelles personnes sont habilitées, dans le cadre de leurs fonctions, à visionner les images captées et enregistrées par votre dispositif. Dans tous les cas, l'accès aux images doit être sécurisé.

À savoir : dans le cadre d'une enquête, un juge peut également autoriser d'autres personnes à visionner les images enregistrées.

illustration

Testez gratuitement notre service !

Posez gratuitement votre question : nos juristes vous recontactent sous 24h !

Quelle utilisation des preuves récoltées via la vidéosurveillance ?

Si vous soupçonnez des comportements ayant un impact dommageable pour votre entreprise, les vidéos issues d'un système de vidéosurveillance peuvent vous permettre de confirmer ou infirmer vos soupçons.

Exemple : si vous constatez des anomalies dans vos stocks de marchandises et soupçonnez des vols de la part de l'un de vos salariés, la vidéosurveillance peut intervenir pour prouver l'existence d'un comportement fautif susceptible de justifier une sanction.

Attention : la preuve issue d'une caméra de surveillance pour justifier un licenciement pour faute grave suppose que votre salarié ait une parfaite connaissance de l'emplacement du dispositif ayant filmé ses gestes, lorsque ce dernier vise aussi à contrôler son activité. A défaut, le juge prud'homal peut déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et retenir une atteinte à la vie privée de votre salarié, ce qui constitue une infraction pénale lourdement sanctionnée (45.000 euros d'amende et 1 an d'emprisonnement (13)).

illustration

Bon à savoir :

L'illicéité de la preuve ne signifie pas automatiquement qu'elle sera écartée des débats par le juge. Au cas par cas, il pourra en effet mettre en balance le droit au respect de la vie privée et le droit à la preuve. Ce droit peut ainsi justifier la recevabilité d'éléments qui, bien qu'attentatoires à la vie personnelle de votre salarié, sont "indispensables à la manifestation de la vérité et strictement proportionnés au but poursuivi" (14), tant que "la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur" (15).

 Pour en savoir plus : Litige devant le Conseil des prud'hommes (CPH) : pouvez-vous utiliser un élément de preuve déloyal ?

Références :

(1) Cass. Soc. 07 juin 2006, n°04-43866
(2) Article L4121-1 du Code du travail
(3) Article L1121-1 du Code du travail ; Article 9 du Code civil
(4) Article L2312-38 du Code du travail ; Cass. Soc. 10 novembre 2021, n°20-12263
(5) Loi n°2018-493 du 20 juin 2018, JO 21 juin
(6) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, JOUE L 119, 4 mai
(7) Article 30 du RGPD
(8) Circ. 14 septembre 2011, PRMX1124533C 
(9) Article L1222-4 du Code du travail
(10) Article 13 du RGPD et article 104 de la loi "informatique et libertés"
(11) CNIL, La vidéosurveillance - vidéoprotection au travail, 23 juillet 2018
(12) Article 226-20 du Code pénal
(13) Article 226-1 du Code pénal
(14) Cass. Soc. 10 novembre 2021, n°20-12263
(15) Cass. Soc. 14 février 2024, n°22-23073