On distingue les structures d'accueil généralistes comme les CHRS ( centre d'hébergement et de réinsertion sociale) auxquels s'ajoutent les CHU (centre d'hébergement d'urgence) et nuits d'hôtel, des structures pour hébergement spécialisé comme les CADA (centre d'accueil pour demandeurs d'asile) et les HUDA (hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile) ou les centres maternels.
Au sens large, l'hébergement comprend le logement accompagné, c'est à dire des dispositifs d'intermédiation locative, les logements-foyers (résidences sociales, foyers de jeunes travailleurs, pension de famille...) ou encore, les structures d'hébergement des personnes agées ou des personnes handicapées.
L'hébergement peut ainsi être temporaire, ou transitoire voire même pérenne pour des structures comme les résidences sociales, les pensions de famille ou les EHPAD.
Les contentieux avec les hébergés se multiplient en raison tant des difficultés économiques, que des profils psychologiques fragiles qui sont à l'origine de situations complexes. La procédure de résiliation judiciaire d'un titre d'occupation au sens large, devant le juge des contentieux de la protection, est-elle adaptée aux besoins de ce secteur ? Tel est l'objet de la réflexion qui va suivre.
Des difficultés procédurales spécifiques
Les bailleurs associatifs sont majoritairement confrontés à des situations d'urgence, en matière de violences ou de risque sanitaire notamment qui devraient pouvoir donner lieu à des solutions juridiques rapides. En pratique, c'est rarement le cas.
Le référé, une procédure très aléatoire
En matière de violences, par exemple, si le juge statuant en référé peut constater l'acquisition d'une clause résolutoire insérée dans un contrat de résidence ou un contrat de séjour, il ne peut trancher la question d'un manquement à un règlement intérieur sur la base d'une plainte pénale, vigoureusement contestée à la barre. Ainsi, une fois constatée l'existence d'une contestation sérieuse, le juge se déclarera incompétent, et ce malgré l'urgence flagrante d'obtenir rapidement un titre exécutoire pour être autorisé à procéder à l'expulsion de l'hébergé dangereux.
En matière de dette également. Alors que pour les baux de droit commun, la clause résolutoire permet de manière systématique de faire trancher le juge en référé en cas de dette loyer, la situation est beaucoup plus complexe dans le secteur de l'hébergement. Et ce n'est pas le moindre des paradoxes !
Dans le cas d'un CHRS par exemple, l'article L 345-3 du Code de l'Action Sociale et des Familles complété par un décret du 3 juillet 2001 précise les modalités selon lesquelles les personnes accueillies participent financièrement à proportion de leur ressources.
Dans ce contexte particulier, il est très fréquent que l'hébergé conteste la créance de son bailleur, pour défaut de caractère certain de la créance, et que le juge considère que la clause résolutoire ne saurait être acquise faute pour l'association de démontrer le bien fondé de sa créance, et ce malgré la délivrance d'un commandement de payer en bonne et due forme.
Le risque sanitaire, pourtant réel, ainsi que le refus d'acceptation de proposition de relogement adaptée à la situation de l'hébergé sont autant de problématiques propres au secteur de l'hébergement auxquelles l'institution judiciaire sera difficilement en mesure d'apporter des réponses juridiques rapides et opportunes.
Reste alors à préférer la voie de la sécurité procédurale en saisissant le juge du fond.
La demande de résiliation judiciaire devant le juge du fond et ses limites
Ces limites se traduisent tant en droit interne, qu'en droit communautaire.
1.La création prétorienne de la Cour de Cassation
Selon l'article R 633-3 du code de la Construction et de l'Habitation "la résiliation de contrat (de résidence) est signifiée par huissier de justice ou notifiée par courrier écrit remis contre décharge ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception".
Or il est très fréquent que les hébergés ne se donnent pas la peine de retirer leurs courriers recommandés qui reviennent à l'expéditeur mention "non réclamé".
Et, contre toute attente, par un arrêt n °1333 pourvoi 15-27.795 du 1er décembre 2016, la troisième chambre civile de la Cour de Cassation a considéré que l'absence de réception effective de la lettre de résiliation pour manquement aux obligations du contrat de séjour, en tant qu'elle constitue un acte de procédure, ne permet pas de se prévaloir de la clause résolutoire de plein droit laquelle ne peut produire ses effets, en l'absence de remise effective.
Ainsi, la signification de la résiliation par commissaire de justice s'impose pour pouvoir se prévaloir d'une résiliation du contrat.
2. L'encadrement par le droit communautaire
Un arrêt de la CJUE du 12 novembre 2019 réduit de manière considérable et inquiétante la marge de manoeuvre en cas de violence de demandeurs d'asile : un état membre ne peut pas prévoir, en cas de manquement grave au règlement des centres d'hébergement ainsi que dans le cas d'un comportement particulièrement violent, une sanction consistant à retirer, même de manière temporaire, le bénéfices des conditions matérielles d'accueil.
La Cour va jusqu'à préciser que les autorités ne peuvent pas renvoyer l'auteur des troubles vers un dispositif d'hébergement d'urgence généraliste. Seules demeurent possibles des mesures d'isolement dans le lieu d'hébergement, en bref des mesures inapplicables et utopiques...
Quels conseils pour une stratégie judiciaire efficace ?
👉 Premièrement, la rigueur dans la rédaction des contrats de séjour ou de résidence et du règlement de fonctionnement de la structure : prévoir systématiquement une clause résolutoire claire et précise permettant à un juge de l'appliquer.
👉 Prévoir des procédures disciplinaires internes car ordonner une exclusion temporaire de quelques jours est le seul moyen rapide de restaurer une tranquillité de la vie collective en cas d'urgence.
👉 Souscrire des assurances responsabilités civiles permettant à l'association de substituer sa garantie à celle de l'hébergé défaillant pour les hébergements pérennes à l'instar des résidences sociales et des pensions de familles.
👉 Fixer de manière précise les objectifs du contrat individuel d'accompagnement social qui permettra à l'association de se prévaloir de la mauvaise foi de l'hébergé si nécessaire.
👉 Se faire conseiller, assister ou représenter, par des avocats aguerris en cette matière car on l'aura compris à l'aune de ces développements, l'hébergement répond à un régime juridique spécifique dont la complexité implique souvent la mise en oeuvre de procédures qui appellent la plus grande viigilance.
Maître Valérie LEPAGE-ROUSSEL
J'aurais aimé avoir toutes les dernières mises 3j jours à part pour bien voir les avancées....