Convaincu ou non de la menace écologique, chacun n’a pu que constater, de plus fort, la violence et la répétition des événements climatiques au cours de l’été 2022. Pendant que des pluies torrentielles dévastent Séoul ou le Kentucky, la France brûle sous une canicule et une sécheresse historiques.

Les quatre éléments se dérèglent : incendies, mouvements de terrain, sécheresses, canicules. Il ne s’agit pas seulement d’une élévation avérée de la température, mais d’un véritable dérèglement climatique, provoqué par les activités humaines, qui accentue l’intensité et la fréquence des événements naturels.

Les sinistres provoqués par ces événements climatiques sont en principe garantis par la plupart des contrats d’assurance souscrits par les particuliers et les professionnels, soit au titre des garanties contractuelles soit au titre du régime légal des catastrophes naturelles.

Mais l’intensité et la répétition de ces sinistres font apparaître de nouveaux risques, qui interrogent les contrats d’assurance quant à l’application de leurs garanties. Ainsi, plusieurs millions d’habitations et d’immeubles professionnels pourraient être affectés de dommages jusqu’alors rarissimes, provoqués par des retraits-gonflements des sols argileux dûs à la sécheresse. De même, l’élévation des températures provoque la mutation et l’apparition de virus inconnus, susceptibles de créer de nouvelles pandémies.

Il semble donc pertinent, plus encore aujourd’hui, de s’interroger sur l’efficacité des garanties accordées par les contrats d’assurance souscrits par les entreprises et les particuliers. Il convient en effet d’essayer d’anticiper les nouveaux risques, afin de les garantir, et éviter les contentieux apparus au sujet des pertes d’exploitation des entreprises provoquées par les fermetures liées au Covid-19.

 

Les assurances des professionnels

 

Certains risques sont déjà connus, mais l’accroissement de leur intensité et de leur fréquence doit conduire à s’interroger sur la suffisance des garanties souscrites, notamment dans leur montant.

Ainsi, les incendies, plus destructeurs que jamais en France, provoquent la disparition de bâtiments commerciaux ou industriels, forêts, vergers, vignes et récoltes. La sécheresse, la canicule et le gel entraînent la perte de récoltes et de bétail. Les inondations détruisent des bâtiments et des récoltes. D’après le rapport du GIEC, en France, en 2016, les sécheresses et les inondations ont provoqué une perte de 20 à 30 % des récoltes céréalières et maraîchères. Et le phénomène continue à s’amplifier.

Les événements liés au vent (tempêtes, ouragans, tornades,…) et aux orages (foudre), outre la destruction des cultures, menacent les activités de pêche et de transport, et induisent des risques industriels (électriques, nucléaires,…). La montée des eaux réduit les espaces de production des ostréiculteurs, mytiliculteurs et autres conchyliculteurs.

La plupart de ces risques sont connus et donc en principe inclus dans les garanties des contrats d’assurance. Encore convient-il de vérifier que les garanties utiles ont bien été souscrites. Dans l’affirmative, il faut également être vigilant quant aux montants des franchises et des garanties, pour tenir compte de la gravité croissante des dommages occasionnés par des sinistres plus destructeurs.

Certains risques sont plus nouveaux, comme la mutation et l’apparition de nouveaux virus, susceptibles de provoquer des épidémies, et par suite des désordres économiques et notamment des pertes d’exploitation. La pandémie du Covid-19 a ainsi révélé des failles et des difficultés d’interprétation des clauses relatives aux conditions de mise en ½uvre des garanties de pertes d’exploitation. Les aides de l’Etat ont permis de désamorcer des actions de masse contre les assureurs, qui n’auraient pas eu les moyens financiers d’indemniser tous les assurés. Il est dès lors indispensable de se pencher avec attention sur les garanties accordées par le contrat, et ses exclusions, au regard de l’activité exercée et des risques prévisibles.

Sans faire l’apologie d’un catastrophisme irrationnel, il est évidemment possible que l’aggravation des sinistres et l’apparition de nouveaux risques entraînent d’autres incertitudes sur l’application des garanties des contrats d’assurance souscrits par les professionnels. Ces derniers connaissent en revanche parfaitement les conséquences potentielles d’un défaut de garantie, allant d’une simple difficulté de trésorerie au dépôt de bilan.

Le principe de l’assurance réside essentiellement sur l’anticipation des difficultés pouvant affecter la vie de l’entreprise. Pour qu’elle conserve son efficacité, il est nécessaire de vérifier régulièrement que les garanties souscrites sont toujours bien adaptées.

 

Les assurances des particuliers

 

Les particuliers sont également concernés par la plupart des risques évoqués précédemment. D’après le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat (GIEC), 6 Français sur 10 sont d’ores et déjà visés par les risques climatiques.

Ils sont directement impactés notamment par l’incendie, qui touche les maisons, terrains et véhicules. Le risque d’inondation affecte particulièrement les habitations des zones côtières et certaines mégapoles comme Tokyo et New-York, qui ont mis en ½uvre des travaux titanesques pour endiguer et relever le niveau des immeubles. Les autorités new-yorkaises ont même vivement recommandé aux habitants de s’assurer contre le risque d’inondation. En France, comme ailleurs, la montée des eaux fait reculer le trait de côte et menace certaines habitations situées près de la mer, provoquant même leur effondrement comme en Gironde ou en Normandie.

La sécheresse augmente à la fois la quantité et l’intensité des mouvements de terrain, éboulements et avalanches. Elle a également amplifié un phénomène jusqu’alors rare : le retrait-gonflement des sols argileux, qui fragilise les murs et les fondations des constructions. Selon les données du Ministère de la Transition Ecologique, plus de 10,4 millions de maisons y sont potentiellement très exposées.

Là encore il est donc primordial de veiller à l’adaptation du contrat d’assurance au regard des risques auxquels les biens peuvent être soumis, au niveau des garanties et des exclusions, des franchises et des plafonds, et des autres conditions nécessaires à la mise en ½uvre d’une juste indemnisation. Cette démarche de vérification doit être anticipée, car tant que le sinistre n’est pas survenu, le contrat peut être modifié et corrigé.  Après le sinistre, en cas de refus de garantie par l’assureur, il ne reste plus qu’à tenter de contester ce refus devant les juridictions, mais l’issue en est évidemment beaucoup plus incertaine. L’intégrité et la valeur d’un patrimoine personnel et professionnel sont en jeu.

Emmanuel ERGAN

Avocat à Rennes

Docteur en droit

Spécialiste en droit des assurances