En vertu de l'article 786 du Code civil (1), l'héritier a la possibilité, après avoir accepté la succession, de demander au juge d'être déchargé des dettes qu'il aurait légitimement ignorées, dans un délai de 5 mois à compter de leur découverte. La jurisprudence exige une application rigoureuse de cet article (Cass. 1re civ., 4 janv. 2017, no 16-12293) (2).

I. Les mesures préalables à l’acceptation de la succession

Afin de prévenir les risques liés à une acceptation de succession sans connaissance des dettes, il est important de prendre les mesures suivantes :

Obtenir des informations

Avant d'accepter une succession, l'héritier doit faire des recherches approfondies pour obtenir des informations sur les éventuelles dettes du défunt. Cela peut impliquer la consultation de relevés bancaires, de factures impayées, de contrats en cours, voire la demande de conseils juridiques à un professionnel du droit ou à un notaire.

Déclaration de renonciation

Si l'héritier découvre que la succession comporte d'importantes dettes qu'il ne souhaite pas assumer, il peut renoncer à l'héritage en faisant une déclaration de renonciation devant le tribunal compétent.

Inventaire des biens et des dettes

Une fois la succession acceptée, il est essentiel d'établir un inventaire détaillé des actifs et des dettes liés à la succession. Il convient de recenser de manière précise tous les biens et de prendre en compte les dettes existantes.

En prenant ces mesures, l'héritier peut se prémunir contre les conséquences financières potentiellement néfastes d'une acceptation de succession sans une connaissance adéquate des dettes en jeu.

Dans les cas où des doutes ou des craintes fondées subsistent quant au patrimoine du défunt, notamment s'il existe un passif supérieur à l'actif, l'acceptation sous réserve d'inventaire permet de limiter les risques. Dans ce cadre, l'héritier s'engage à rembourser les dettes uniquement dans la mesure des biens qu'il a reçus, sans mettre en jeu sa fortune personnelle.

Les créanciers disposent d'un délai de 15 mois à compter de la publication officielle dans le Bodacc pour déclarer leurs créances.

II. Comment accepter la succession ?


Lorsqu'une succession est ouverte, les héritiers ont le choix entre trois options :

  • Renoncer à la succession,
  • Accepter la succession à concurrence de l'actif net,
  • Accepter purement et simplement.


En cas d'acceptation pure et simple de la succession, les héritiers deviennent responsables de l'intégralité du passif, y compris sur leur propre patrimoine. C'est pourquoi la décision d'accepter une succession ne doit pas être prise à la légère, car elle est irrévocable.

1. L’acceptation tacite

L’article 782 du Code civil (3) précise qu’il y a acceptation tacite lorsque le successible accomplit un acte qui « suppose nécessairement son intention d’accepter et qu’il n’aurait droit de faire qu’en qualité d’héritier acceptant ».   

Les juges apprécient souverainement cette intention. Les actes de disposition et de jouissance emportent généralement leur acceptation tacite. Exemples : la vente d’un actif de la succession, la demande de partage, l’occupation exclusive par un des successibles d’un bien indivis.

L’article 783 du Code civil (4) prévoit également deux types d’actes qui emportent acceptation tacite :  la cession par l’héritier de tout ou partie de ses droits dans la succession (donation ou vente) et la renonciation (gratuite ou onéreuse) par l’héritier au profit d’un ou de tous ses cohéritiers.

En revanche, l’article 784 du Code civil (5) précise que les actes purement conservatoires ou de surveillance et les actes d’administration provisoire peuvent être accomplis sans emporter l’acceptation de la succession si le successible n’a pas pris le titre d’héritier.

Il s’agit notamment :

  • Le paiement des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt, des loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent ;
  • La vente des biens périssables (à condition de n’utiliser l’argent qu’aux fins de paiement des dettes ou de le déposer chez un notaire), le recouvrement des fruits ou revenus des biens successoraux ;
  • L’acte destiné a évité l’aggravation du passif successoral ;
  • Les actes liés à la rupture du contrat de travail du salarié du défunt employeur particulier ;
  • Les opérations courantes permettant la continuation à court terme de l’entreprise dépendant de la succession.


La liste n’étant pas exhaustive, en cas de conflit, il reviendra au juge d’apprécier si la nature et la multiplicité des actes accomplis traduisent la volonté d’accepter la succession.

2. L’acceptation expresse

L’acceptation pure et simple peut être expresse lorsque le successible prend le titre ou la qualité d’héritier dans un acte écrit.

La déclaration expresse de l'acceptation de la succession peut être effectuée soit chez le notaire du ressort de la succession, qui transmettra une copie au tribunal judiciaire dans le mois suivant, soit directement au greffe du tribunal judiciaire du domicile du défunt.

II. Les conséquences de l’acceptation de la succession

1. Le principe : l’irrévocabilité de l’option successorale

Lorsqu'un héritier accepte une succession, il devient responsable des dettes du défunt jusqu'à concurrence de la valeur des biens hérités. Si les dettes dépassent la valeur de l'héritage, l'héritier peut être tenu personnellement responsable de combler cette différence.

Les créanciers du défunt ont le droit de s'adresser à l'héritier ayant accepté la succession pour récupérer les dettes impayées. L'héritier peut alors être contraint de vendre ses propres biens pour rembourser les créanciers, même s'il n'a pas bénéficié des actifs de la succession. Cela peut se produire, par exemple, si l'héritier détient uniquement la nue-propriété de biens immobiliers dans la succession.

Les dettes de la succession peuvent affecter le patrimoine personnel et la situation financière de l'héritier. Cela peut entraîner des difficultés financières, des saisies ou des poursuites judiciaires.

2. L’exception : la décharge d’une dette successorale

L’article 786 du Code civil (1) offre toutefois la possibilité à l’héritier qui, après avoir accepté, découvre des dettes qu’il pouvait légitimement ignorer, de demander au juge, dans les 5 mois de la découverte, d’en être déchargé.

L’article 785, alinéa 2, du Code civil (6), prévoit qu’« il n’est tenu des legs de sommes d’argent qu’à concurrence de l’actif successoral net des dettes ».

L’article 786, alinéa 2, du Code civil prévoit qu’« il peut demander à être déchargé en tout ou partie de son obligation à une dette successorale qu’il avait des motifs légitimes d’ignorer au moment de l’acceptation, lorsque l’acquittement de cette dette aurait pour effet d’obérer gravement son patrimoine personnel ».

La jurisprudence sollicite une application stricte de cet article. (Cass. 1re civ., 4 janv. 2017, no 16-12293) (2)

Pour obtenir une décharge totale ou partielle d'une dette successorale, plusieurs conditions doivent être remplies.

- Tout d'abord, il est essentiel que le successeur découvre l'existence d'une dette successorale importante après avoir accepté la succession. Cette dette ne peut être considérée comme un legs de somme d'argent, car elle ne peut être exécutée que dans les limites de l'actif net de la succession, ni comme une charge de la succession, car toute charge survenant après le décès ne peut rester inconnue des successeurs.

- De plus, il est important que le successeur puisse démontrer qu'il avait des "motifs légitimes" pour méconnaître l'existence de la dette au moment de l'acceptation de la succession (CA Versailles, 1re ch., sect. 1, 22 sept. 2011, n° 10/01545). Il s'agit d'une erreur concernant l'étendue du passif successoral qui n'est pas imputable au successeur.

- Ensuite, le règlement de la dette successorale doit avoir des conséquences qui "gravement compromettent le patrimoine personnel" du successeur. Ainsi, la décharge ne peut s'appliquer qu'à une dette qui entraînerait un déficit dans la succession et causerait une atteinte significative au patrimoine personnel de l'héritier.

Enfin, selon l'article 786, alinéa 3, il est précisé que "l'héritier doit engager une action dans les cinq mois suivant le jour où il a eu connaissance de l'existence et de l'importance de la dette". Par conséquent, l'héritier doit déposer une demande auprès du tribunal judiciaire compétent du lieu d'ouverture de la succession afin d'obtenir une décharge totale ou partielle de la dette.

Sources :

  1. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006431550
  2. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000033845798
  3. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006431503
  4. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006431512#:~:text=Toute%20cession%2C%20%C3%A0%20titre%20gratuit,emporte%20acceptation%20pure%20et%20simple.
  5. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000030254044/2023-06-08
  6. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006431541