Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en juin dernier et qui vient aborder la problématique de la responsabilité de l’établissement bancaire dispensateur de crédit lorsque ce dernier subordonne l’octroi du prêt à la souscription d’une assurance vie garantissant la fin des remboursements.
Les conditions de souscription de l’assurance vie
Dans cette affaire, les consorts E qui par l’intermédiaire de la banque C avaient adhéré à deux contrats collectifs d’assurance sur la vie dénommés H souscrits par cette banque auprès de la société S, avaient en mai 2002, informé celle-là de sa volonté de résilier ses contrats et lui avait demandé de transférer leur valeur sur leur compte chèques.
La résiliation des contrats d’assurance vie
La banque, qui avait refusé de donner suite à cette demande, avait été condamnée en référé à l’exécuter et a dû verser aux héritiers des consorts E une somme correspondant à la moins-value enregistrée sur les contrats avant cette exécution et aux intérêts de droit.
Elle avait alors déclaré ce sinistre à la Caisse de garantie des professionnels de l’assurance (la CGPA) auprès de laquelle elle avait souscrit une assurance de responsabilité civile professionnelle couvrant l’activité de courtier en assurances.
Il convient dans un premier temps de s’intéresser à la portée de l’article L 140–6 du Code des Assurances qu’il convient de reprendre dans son intégralité.
« Pour les contrats d'assurance de groupe au sens de l'article L. 140-1, autres que ceux qui sont régis par le titre Ier de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, et pour les contrats collectifs de capitalisation présentant les mêmes caractéristiques que les contrats de groupe au sens de l'article L. 140-1, le souscripteur est, tant pour les adhésions au contrat que pour l'exécution de celui-ci, réputé agir, à l'égard de l'adhérent, de l'assuré et du bénéficiaire, en tant que mandataire de l'entreprise d'assurance auprès de laquelle le contrat a été souscrit, à l'exception des actes dont l'adhérent a été préalablement informé, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'économie, que le souscripteur n'a pas pouvoir pour les accomplir. En cas de dissolution ou de liquidation de l'organisme souscripteur, le contrat se poursuit de plein droit entre l'entreprise d'assurance et les personnes antérieurement adhérentes au contrat de groupe.
Le présent article ne s'applique pas aux contrats d'assurance en cas de vie dont les prestations sont liées à la cessation d'activité professionnelle, souscrits par une entreprise ou un groupe d'entreprises au profit de leurs salariés ou par un groupement professionnel représentatif d'entreprises au profit des salariés de celles-ci ou par une organisation représentative d'une profession non salariée ou d'agents des collectivités publiques au profit de ses membres. Il ne s'applique pas non plus aux contrats de groupe souscrits par un établissement de crédit, ayant pour objet la garantie de remboursement d'un emprunt. »
La question était de savoir dans quelles conditions l’établissement bancaire intervenait.
En effet, la banque faisait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes formées à l’encontre de la CGPA, la Caisse de garantie des professionnels de l’assurance.
Elle considérait qu’il résulte de l’article L. 511-1 du Code des Assurances, et des articles R. 511-1 et R. 511-2 du même code, qu’est considérée comme présentation d’une opération d’assurance pratiquée par un courtier, le fait de solliciter ou de recueillir l’adhésion à un contrat d’assurance ou d’exposer oralement ou par écrit à un adhérent éventuel, en vue de cette adhésion, les conditions de garantie d’un tel contrat.
La responsabilité de la banque au titre de l’assurance vie
A bien y comprendre pour la banque, il résultait de ces dispositions qu’est une opération d’assurance, le fait pour un courtier, ayant souscrit une assurance collective, de proposer à ses clients d’y adhérer.
De telle sorte qu’en l’espèce, en proposant aux consorts E d’adhérer à un contrat d’assurance-vie collectif, auquel ils avaient souscrit, la banque avait exercé une activité de courtier.
La banque, courtier en assurance vie ?
Que pour autant la Cour d'Appel avait considéré que l’activité de souscripteur d’un contrat d’assurance de groupe n’était pas une activité de courtage d’assurance, et que la banque ne pouvait être garanti par le contrat d’assurance responsabilité civile souscrit auprès de la CGPA.
La banque rappelait que l’article II- 02 A.1 des conventions spéciales de l’assurance responsabilité civile, souscrite par la banque, stipulait que «?dans la limite de l’activité déclarée aux conditions particulières, le présent contrat garantit l’assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant lui incomber en raison des dommages causés aux tiers du fait des activités professionnelles limitativement énumérées ci-après :
- La présentation d’opérations d’assurance telle que définie à l’article R. 511-1 du Code des Assurances comme étant le fait pour toute personne physique ou morale de solliciter ou de recueillir la souscription d’un contrat d’assurance ou de capitalisation ou l’adhésion à un tel contrat ou d’exposer oralement ou par écrit à un souscripteur ou adhérent éventuel en vue de cette souscription ou adhésion, les conditions de garantie d’un tel contrat ;
- La gestion des contrats d’assurance conclus par l’intermédiaire de l’assuré
Pour la banque, il résulte de cette clause, qu’est une opération d’assurance, le fait pour un courtier, ayant souscrit une assurance collective, de proposer à ses clients d’y adhérer?et reprochait à la Cour d'Appel d’avoir considéré pourtant que la banque étant le souscripteur du contrat d’assurance-vie auquel avait adhéré sa cliente n’était pas garantie par le contrat d’assurance responsabilité civile souscrit auprès de la CGPA.
La responsabilité de la banque et les opérations d’assurance
Enfin la banque rappelait que les pertes et les dommages causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée, contenue dans la police.
En l’espèce, les juges du fond, avaient constaté que le contrat rappelle qu’il appartient à la CGPA de rapporter la preuve des exclusions et qu’aucune clause n’interdit aux courtiers d’être souscripteur dans le cadre d’une assurance groupe ou n’exclut cette activité.
Or c’est bien dans le cadre de la gestion d’un contrat d’assurance conclu par son intermédiaire que la banque en refusant la demande de rachat, avait engagé sa responsabilité professionnelle.
Pour la banque, la Cour d'Appel s’était bornée à considérer que l’activité de souscripteur d’un contrat d’assurance de groupe n’était pas une activité de courtage d’assurance, pour en déduire que cette dernière n’était pas garanti par le contrat d’assurance responsabilité civile souscrit auprès de la CGPA, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la police d’assurance contenait une clause excluant la garantie de la CGPA, en cas d’assurance de groupe souscrite par l’établissement bancaire.
L’assurance de groupe souscrite par la banque
La Cour de Cassation entend répondre sur ces différents points en précisant que la banque était le souscripteur des contrats collectifs d’assurance sur la vie auxquels les consorts E avait adhéré, ce dont il résultait qu’elle était réputée être le mandataire de l’assureur tant pour les adhésions à ces contrats que pour leur exécution.
La banque, mandataire de l’assureur
La Cour d’Appel qui n’avait pas à procéder à la recherche dont l’omission est critiquée par la troisième branche que ses constatations et énonciations rendaient inopérante, en a exactement déduit que le sinistre litigieux n’était pas survenu du fait de l’activité de courtier en assurances de cette banque et, en conséquence, n’était pas garanti par le contrat souscrit auprès de la CGPA.
C’est donc à bon droit que les clients de l’établissement bancaire avaient engagé une action en responsabilité à l’encontre de cette dernière.
S’il est vrai que la banque avait cru bon déclarer ce sinistre auprès de la CGPA, la Cour de Cassation a malgré tout considéré qu’il n’y avait pas matière à garantie.
Dès lors la jurisprudence est claire.
Elle rappelle que l’établissement bancaire engage sa responsabilité tant concernant l’adhésion que l’exécution et la résiliation liées à des contrats d’assurance vie.
Par contre la garantie découlant de la CGPA n’a pas vocation à garantir le sinistre car la Cour de Cassation considère que L. 140–6 ne s’applique pas aux contrats de groupe et que la banque a engagé sa responsabilité professionnelle et a vocation à indemniser ses clients.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE
Avocat, Docteur en Droit
Dossier très complet et informatif