Définition du délit d'entrave
Le délit d'entrave est un délit pénal
Le délit d'entrave est constitué par le fait de porter atteinte à la constitution d'une instance représentative du personnel ou à la libre désignation de ses membres ; à l'exercice régulier des fonctions d'une institution représentative du personnel (IRP) ; à l'exercice du droit syndical dans l'entreprise. Il concerne toutes les instances représentatives du personnel (délégué syndical, membre du CSE, etc.).
Les sanctions peuvent être pénales et/ou civiles. Par exemple, l'entrave à la constitution du CSE ou à la libre désignation de ces membres est passible d'une peine d'emprisonnement d'un an et d'une amende de 7.500 € (1).
Procédures et sanctions du délit d'entrave, qui peut le dénoncer ?
Le juge pénal (tribunal correctionnel) est compétent pour décider de l'existence ou non du délit d'entrave. Il le fera sur saisine du parquet après un dépôt de plainte des représentants du personnel concernés, du représentant de l'institution représentative elle-même lorsqu'elle est dotée de la personnalité morale comme le comité social et économique (ou le comité d'entreprise s'il est toujours en place dans l'entreprise). La saisine peut aussi être faite par l'inspection du travail qui dressera alors un procès-verbal et le communiquera au Parquet (2).
La juridiction pourra prononcer la sanction adaptée en fonction du type d'entrave reconnu.
Entrave à la convocation des membres du CSE
Il est de la responsabilité de l'employeur ou de son représentant de convoquer les membres de CSE (3).
Les périodes de congé n'exonèrent pas l'employeur de son obligation de convocation. À défaut, il commet un délit d'entrave au fonctionnement du CSE (4).
En effet, même si la plupart des membres du CSE sont en vacances, la présence d'un seul membre suffit à la tenue d'une réunion du CSE.
Si aucun membre ne peut venir, l'employeur aura respecté son obligation de convocation.
De même, l'employeur ne peut se contenter de convoquer qu'une partie des élus de manière à tenir d'autres membres à l'écart (5), convoquer les titulaires (6), ou encore ne pas convoquer un membre ou plusieurs membres qui ne pourraient pas être présents le jour de la réunion (7).
L'employeur est tenu d'organiser les réunions extraordinaires régulièrement demandées par les membres du CSE (8). Son refus constituerait un délit d'entrave (9).
Entrave et ordre du jour CSE
La détermination de l'ordre du jour des réunions du CSE (ordinaires et extraordinaires) doit faire l'objet d'une concertation entre le président et le secrétaire de l'instance. En effet, il s'agit d'une élaboration conjointe de l'ordre du jour avec inscription de plein droit des consultations obligatoires (10).
De ce fait, préparer l'ordre du jour sans le secrétaire du CSE, c'est entraver le fonctionnement du CSE (11).
Après l'entrave dans l'élaboration de l'ordre du jour, il peut aussi y avoir délit d'entrave en cas de non-respect du délai minimum de 3 jours avant la réunion pour le communiquer (12).
Réunion du CSE et délit d'entrave : exemples
Jurisprudences
Au cours des réunions du comité, il peut être plus subtil de détecter l'infraction pénale. Pour autant, nombre d'actes sont susceptibles d'être une entrave au dialogue social, en voici quelques exemples :
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le fait pour l'employeur de se faire représenter par un salarié sans qualité ni délégation de pouvoir pour informer et consulter les représentants de personnel (13) ;
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venir en réunion du CHSCT avec des personnes extérieures à la commission sans l'autorisation de ses membres (14) ;
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diminuer le temps de parole des délégués du personnel et ainsi porter atteinte aux conditions d'épuisement normales de l'ordre du jour (15) ;
-
etc.
Information et consultation des institutions représentatives du personnel
L'information du CSE est un élément essentiel pour permettre aux élus d'exercer correctement leurs missions. En conséquence, le défaut ou l'insuffisance de celle-ci peut rapidement constituer un délit d'entrave.
C'est le cas par exemple lors :
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du refus de transmettre un rapport d'inspection dans son intégralité (16) ;
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du refus de communiquer le montant de la masse salariale brute permettant de déterminer les subventions versées au comité (17).
Tout projet important pour la vie de l'entreprise doit passer par une consultation préalable à la mise en œuvre du projet. Ainsi, il porte atteinte au fonctionnement de l'institution représentative si une décision de déménagement de l'entreprise est actée avant la consultation du comité (18). Il doit également consulter le CSE avant de réaliser des travaux d'aménagement de locaux et de modification des outils de travail (19).
La décision relative à la fermeture définitive d'un établissement ou d'un site, d'un regroupement d'activités (20), et encore de la mise en place d'horaires individualisés (21) ne peut être prise sans avoir recueilli préalablement l'avis éclairé des représentants du personnel. En effet, elles impliquent nécessairement de profonds changements dans l'organisation des conditions de travail des salariés.
Heures de délégation et autres moyens des élus
Les IRP disposent de différents outils leur permettant d'exercer leur mission. L'un des plus importants consiste en l'attribution du temps nécessaire à l'exercice de ces attributions. Il s'agit des heures de délégation rémunérées comme du travail effectif. Ne pas rémunérer ces heures ou ne le faire que partiellement constitue un délit d'entrave (22) au même titre que le refus de prendre en charge les frais de déplacement des élus pour se rendre aux réunions organisées à la demande d'employeur, les empêchant ainsi de s'y rendre (23).
L'employeur ne peut pas non plus pratiquer un contrôle préalable de l'usage des heures de délégation trop restrictif portant atteinte à la prise effective de celles-ci (24).
À côté d'un temps consacré à l'exercice de leur fonction représentative, les élus doivent également disposer d'un local leur permettant de se réunir et de recevoir. Celui-ci doit être suffisamment grand et les élus doivent pouvoir en disposer sans être interrompus de manière inopinée.
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Références :
(1) Article L2317-1 du Code du travail
(2) Article L8113-7 du Code du travail
(3) Articles L2315-27 et L2315-28 du Code du travail
(4) Cass. Crim., 19 mai 1998, n°97-80291
(5) Cass. Crim., 5 mai 1976, n°75-90400
(6) Cass. Crim., 18 oct. 1983, n°83-90419
(7) Cass. Crim., 16 juin 1970, n°69-93132
(8) Articles L2315-27 et L2315-28 du Code du travail
(9) Cass. Crim., 11 mars 2008, n°07-80169
(10) Article L2315-29 du Code du travail
(11) Cass, Crim., 4 janvier 1990, n°88-83311
(12) Cass. Crim., 11 juin 1974, n°73-93299
(13) Cass. Crim., 20 février 1996, n°94-85863
(14) Cass. Crim., 28 novembre, 2017 n°16-86138
(15) Cass. Crim, 29 mars 1977, n°76-91340
(16) Cass. Crim., 3 juin 2003, n°02-84474
(17) Cass. Crim., 11 févr. 2003, n°01-88650
(18) Cass. Crim., 15 mars 2016, n°14-85078
(19) Cass. Crim., 14 oct. 2003, n°03-81366
(20) Cass. Crim., 28 févr. 2017, n°14-87729
(21) Cass. Crim., 16 sept. 2003, n°02-86661
(22) Cass. Crim., 30 avr. 1996, n°95-82687
(23) Cass. Crim., 22 nov. 2005, n°04-87451
(24) Cass. Crim., 8 mai 1973, n°72-92386
Dossier très complet et informatif