Qui est concerné par la Loi plein emploi du 18 décembre 2023 ?
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-->La Loi plein emploi contient des dispositions à destination des particuliers, comme des entreprises (1).
Début d'année 2023, les syndicats ont été très actifs sur le sujet de la réforme des retraites et ont pointé du doigt le manque d'intérêt du Gouvernement concernant la qualité de vie au travail (des seniors notamment) et du "travailler mieux".
Finalement, les principales dispositions de la loi sont relatives à :
- la mise en place de France Travail et les conséquences que cela emporte (création d'un contrat d'engagement unifié, inscription généralisée à France Travail) ;
- la réforme du revenu de solidarité active (RSA) ;
- l'emploi des personnes handicapées ;
- l'accueil des jeunes enfants.
1. Mise en place de France Travail : depuis quand remplace-t-il Pôle emploi ? Qu'est-ce qui va changer avec France Travail ?
Depuis le 1er janvier 2024, France Travail a remplacé Pôle emploi.
Pour autant, l'objectif de la structure ne change pas puisqu'il s'agit toujours :
- de propser un meilleur accompagnement des personnes dans leur recherche d'emploi ;
- et de renforcer l’accompagnement des entreprises dans les processus de recrutement.
Par contre, un changement majeur devrait intervenir en 2025 au plus tard : l'inscription généralisée auprès de l'opérateur France Travail, de toutes les personnes sans emploi :
- les bénéficiaires du RSA ainsi que leur conjoint concubin ou partenaire pacsé ;
- les jeunes demandant un accompagnement personnalisé auprès d'une mission locale ;
- les personnes en situation de handicap sollicitant un accompagnement auprès de Cap emploi.
Tous bénéficieront d'un contrat d'engagement unifié.
2. Réforme du RSA : à partir de quand seront mises en place les 15h d'activité hebdomadaire minimum ?
Les conditions de perception du RSA ont également fait l'objet d'une modification. À cet effet, il a été voté :
- l'inscription dans le contrat d'engagement unifié d'au moins 15 heures d'activité par semaine (immersion, remise à niveau ou encore formation) pour les bénéficiaires du RSA.
Cette condition au versement du RSA à 15 heures d'activité hebdomadaire est, pour le moment, expérimenté dans 18 départements. En 2024, d'autres départements devraient entrer dans l'expérimentation. D'ailleurs, d'ici mars 2024, le nombre de départements dans lesquels l'obtention du RSA sera conditionné à la réalisation d'au moins 15 heures d'activité hebdomadaires va passer de 18 à 47. Ce dispositif devrait être généralisé au 1er janvier 2025. ; - l'instaration d'un régime de sanction : limitation à 3 mois de RSA pouvant être versés de manière rétroactive en cas de sanction de suspension-remobilisation. Le versement du RSA pourra être suspendu dès lors que le bénéficiaire ne respecte plus ses engagements (notamment, en cas de non-respect de la durée minimum d'activité).
Le versement reprendra si l'allocataire remplit à nouveau les conditions sans pour autant remonter à plus de 3 mois après la suspension.
Si le contrat d'engagement n'est pas respecté, France Travail pourra radier la personne de la liste des demandeurs d'emploi. Un décret doit venir préciser le dispositif.
3. Travailleurs en situation de handicap et en ESAT : qu'est-ce qui est prévu ?
L'un des objectifs de la loi plein emploi était de faciliter l'emploi des travailleurs handicapés qui le peuvent, dans les entreprises ordinaires (différentes des entreprises adaptées). A ce titre, plusieurs mesures sont prévues :
- la création d'un service numérique "sac à dos numérique", permettant de retracer les aménagements dont a bénéficié la personne handicapée tout au long de sa vie : ce dossier numérique devrait permettre de faciliter la mobilité de celle-ci en cas de changement d'employeur ou d'intégration dans un nouvel emploi ;
- la pérénnisation du contrat à durée déterminée tremplin (ou CDD tremplin) et des entreprises adaptées de travail temporaire - qui n'étaient jusqu'à ce jour qu'une expérimentation ;
- une équivalence de la reconnaissance qualité de travailleur handicapé (RQTH) pour les jeunes de 15 à 20 ans et en situation de handicap ;
- les mêmes droits pour les titulaires d'une RQTH que pour les titulaires d'une pension d'invalidité ou d'une rente d'incapacité (sans passer par la Maison Départementale pour les Personnes Handicapées, dite MDPH) ;
- l'alignement des droits des travailleurs en établissement ou un service d'accompagnement par le travail (ESAT) sur ceux des salariés en milieu ordinaire : droit de grève, de se syndiquer, de bénéficier d'une mutuelle d'entreprise (à partir du 1er juillet 2024), ou encore le bénéfice de titres-restaurants, de chèques-vacances, ou d'une prise en charge par l'employeur des frais de transport vers le lieu de travail.
Certaines dispositions nécessitent la publication de décrets d'application.
4. L'emploi des parents de jeunes enfants facilité
La Loi plein emploi a également pour objectil de faciliter l'emploi des parents de jeunes enfants, la prentalité pouvant s'avérer être un frein à la reprise d'un emploi lorsqu'elle fait se heurter les parents à des difficultés d'accueil.
Les communes doivent se voir confier le rôle d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant.
Celles d'au moins 10.000 habitants devront :
- à partir de 2025, établir un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'offre d'accueil du jeune enfant ;
- à partir de 2026, mettre en place des relais petite enfance.
En outre, il sera mis en place une nouvelle réglementation concernant le contrôle des crèches suite à un rapport de l'inspection générale des affaires sociales et la médiation des dérives dans certaines crèches privées.
5. Ouverture d'un passeport d'orientation, de formation et de compétences à tous les titulaires d'un CPF
Les titulaires d'un compte personnel de formation (CPF) vont désormais tous pouvoir bénéficier d'un passeport d'orientation, de formation et de compétences (3).
Ce passeport a pour objectif de recenser les éléments relatifs à la formation initiale ou continue, au parcours professionnel ainsi que les activités bénévoles ou de volontariat, susceptibles de faciliter le maintien ou l'insertion des personnes dans l'emploi.
Cet outils permet ainsi aux personnes en activité de valoriser l'ensemble de leurs compétences et expériences pour leur évolution professionnelle.
Les titulaires d'un tel passerport ont un contrôle total sur l'accès à leurs données. Néanmoins, les acteurs du réseau pour l'emploi tel que France Travail dispose d'un droit d'accès restreint à ces données pour les seuls besoins des missions d'orientation, d'accompagnement, de formation et d'insertion et dans la limite de ce qui est nécessaire à l'exercice de leurs missions respectives.
D'abord lancé en version beta, le lancement officiel du passeport orientation/formation devrait intervenir en avril 2024.
Quelles sont les mesures évoquées par le Gouvernement qui n'ont pas été reprises dans la Loi plein emploi ?
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Toutes les mesures initialement annoncées par le Gouvernement n'ont finalement pas toutes été intégrées dans la Loi plein emploi. Néanmoins, certaines ont été reprises dans d'autres textes.
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Partage de la valeur : la Loi du 29 novembre 2023
Les partenaires sociaux ont signé un accord national interprofessionnel (ANI) le 10 février 2023, relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise.
Elisabeth Borne avait annoncé que cet accord serait repris fidèlement dans la Loi plein-emploi : la transcription est finalement intervenue dans une loi distincte (4).
La principale mesure de la Loi du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage consiste à généraliser les dispositifs de partage de la valeur pour les entreprises de 11 à 49 salariés (prime de partage de la valeur, intéressement, participation...)
De nouvelles règles pour l'emploi des séniors : éviter les plans de départ et les ruptures conventionnelles
Airbus, Safran, Michelin, Stellantis… Nombreux sont les groupes et grandes entreprises qui ont mis en place des plans de départs volontaires s'appuyant sur des mesures d'âge, ces derniers mois.
Pour les entreprises plus petites, les ruptures conventionnelles sont bien souvent proposées aux salariés plus âgés. Mais depuis le 1er septembre 2023, une autre loi a modifié le régime social de la rupture conventionnelle.
La contribution patronale spécifique assise sur l'indemnité spécifique de rutpure a, depuis, augmenté (5). En effet, une contribution unique de 30% s'applique désormais aux ruptures conventionnelles, alignant ainsi son régime social avec celui de l'indemnité versée pour mise à la retraite du salarié.
L'objectif est double :
- éviter le recours massif à la rupture conventionnelle avec les seniors proches de la retraite dans le but de s'en séparer ;
- favoriser le maintien dans l'emploi des seniors et éviter que ceux-ci ne se retrouvent au chômage avant la liquidation de leurs droits à la retraite.
La généralisation de la semaine de quatre jours : l'expérimentation s'amplifie !
La Loi plein emploi n'a pas permis de légiférer sur la semaine de quatre jours. Néanmoins, des discussions entre les partenaires sociaux restent en cours de discussion pour tenter de l'encadrer et préciser les organisations envisageables.
Dans son discours du 30 janvier 2024 devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre, Gabriel Attal, a d'ores et déjà annoncé l'expérimentation de la semaine de quatre jours dans les administrations de tous les ministères.
En France, certaines entreprises privées testent depuis plusieurs mois cette organisation dont le résultat serait, selon leurs déclarations, très positif.
Le compte épargne-temps : un CET universel, portable et monétisable
La généralisation du compte épargne-temps universel n'a pas non plus été intégrée dans la Loi plein emploi. Le texte est aujourd'hui en cours d'élaboration, et doit être envoyé aux partenaires sociaux. L'objectif est d'aboutir à un accord national interprofessionnel aux alentours du mois de mars 2024, puis à un projet de loi d'ici l'été.
Ce dispositif, proposé par plusieurs candidats dont Emmanuel Macron ou Yannick Jadot lors des élections présidentielles de 2022, peut déjà être mis en place dans certaines entreprises.
Depuis plusieurs années, la CFDT porte l'idée de la création d'une "banque des temps", qui prendrait la forme d'un compte épargne-temps universel (Cetu), inspiré du Compte Épargne-Temps (CET).
Ce nouveau compte épargne temps serait accessible à tous (y compris aux salariés dont l'entreprise ou la branche n'a pas mis en place un tel compte épargne), quels que soient, son statut (agent de la fonction publique, salarié, indépendant...), la taille de son entreprise, son secteur d'activité ou la nature de son contrat de travail.
Il pourrait suivre l'individu tout au long de sa carrière. Il pourrait être actionné tout au long de sa vie, et notamment en fin de carrière.
Le partage d'information entre personnes morales constituant le réseau pour l'emploi : censuré par le Conseil constitutionnel
Le "réseau pour l'emploi" est composé de nombreuses personnes morales (France Travail, les missions locales, la région, le département, les communes, les organismes de placement spécialisés dans l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap... etc.).
Dans l'accomplissement de ces missions, et pour coordonner le suivi du bénéficiaire, les personnes morales du réseau pouvaient se partager des informations relatives à celui-ci (identification du bénéficiaire, informations nécessaires à l'évaluation de sa situation, au suivi du parcours d'insertion, à la réalisation des actions d'accompagnement, à l'établissement des statistiques et à la gestion de l'assurance chômage), et donc des informations relatives à la santé des personnes.
Le Conseil constitutionnel, relevant que ces informations pouvaient circuler entre de nombreuses personnes, dont la désignation n'est subordonnée à aucune habilitation spécifique, et sans qu'aucune garantie n'encadre ces transmissions d'informations, a ainsi déclaré ces dispositions contraires à la Constitution, pour atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
Cette mesure n'a donc pas été intégrée à la Loi plein emploi.
Références :
(1) Loi n°2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi
(2) Conseil constitutionnel, 14 décembre 2023, décision n°2023-858
(3) Article L6323-8 du Code du travail
(4) Projet de loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise et Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise
(5) Loi n°2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
Dossier très complet et informatif