Définition, quelles différences entre une faute grave et une faute lourde ?
Qu'est-ce qu'une faute grave ?
Pour qu'un comportement soit qualifié de faute grave, il faut que 3 éléments cumulatifs soient remplis. La faute doit être :
-
directement et personnellement imputables au salarié (1) ;
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en lien avec le travail et doivent représenter une violation d'une obligation contractuelle ou un manquement aux règles de discipline de l'entreprise (2) ;
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d'une telle gravité qu'ils rendent le maintien du salarié dans l'entreprise impossible (3).
La gravité de la faute est mesurée en fonction des circonstances propres à chaque fait. Il n'est donc pas nécessaire que le salarié ait un dossier disciplinaire chargé pour que son comportement caractérise une faute grave.
Les faits peuvent être volontaires comme involontaires.
La faute grave peut être retenue même si la faute est commise pour la première fois par le salarié.
Cependant, certaines circonstances peuvent être de nature à atténuer la gravité de la faute.
Exemple :
L'ancienneté du salarié dans l'entreprise peut tempérer l'intensité de la faute, dès lors que celui-ci n'a jamais fait l'objet d'aucun avertissement antérieur.
Aucune intention de nuire n'est requise pour qualifier les faits de faute grave (4).
Qu'est-ce qu'une faute lourde ?
La faute lourde est une faute d'une intensité supérieure à la faute grave.
Le salarié commet une faute lourde lorsqu'elle est faite dans l'intention de nuire à l'employeur (5).
Cette notion est extrêmement importante, car sans intention de nuire, il ne peut y avoir de faute lourde (6). Il ne suffit pas qu'un préjudice à l'encontre de l'entreprise soit constaté.
La faute lourde implique une intention de nuire à l'employeur contrairement à la faute grave.
L'intention de nuire à l'employeur implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise (7).
Cette volonté de nuire du salarié doit être établie, et c'est à vous, employeur, qu'il revient d'apporter la preuve de cette intention (8).
La faute lourde permet d'engager la responsabilité du salarié afin de lui réclamer la réparation du dommage causé à l'entreprise lorsque cette faute est d'une gravité exceptionnelle (9).
Quels sont les motifs de licenciement pour faute lourde ?
3 exemples :
Il n'existe pas de liste exhaustive des faits pouvant être qualifiés de faute lourde. En voici quelques exemples :
1. Entrave à la liberté de travail
L'entrave à la liberté du travail est le fait pour une personne de s'opposer à ce que des collègues effectuent leur prestation de travail.
Exemples :
L'entrave à la liberté du travail peut constituer une faute lourde, dans les cas suivants :
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le fait pour des grévistes de s'opposer au travail d'autrui, même pour une courte durée (10) ;
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de bloquer l'entrée et la sortie de l'entreprise et de refuser d'obtempérer à la sommation de l'huissier de justice de libérer le passage (11) ;
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de faire obstacle à toute entrée ou sortie des véhicules dans l'entreprise provoquant la désorganisation de celle-ci (12) ;
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d'occuper les locaux de l'entreprise et de s'y maintenir au mépris de trois décisions de justice exécutoires (13).
2. Violences sur les personnes
Les violences sur les personnes, qu'elles soient commises au sein de l'entreprise ou en dehors, peuvent justifier un licenciement pour faute lourde.
Exemple :
Constituent notamment des violences sur les personnes le fait, de frapper un salarié qui refuse de s'associer à un mouvement de grève (14).
3. Injures et menaces
Les injures (insultes au travail) et menaces peuvent constituer une faute lourde.
Exemple :
Le fait d'insulter son patron ou de le menacer de mort en effectuant un geste de menace d'égorgement est constitutif d'une faute lourde (15).
Comment l'employeur peut-il justifier la faute grave ou lourde du salarié ?
La charge de la preuve en matière de faute grave ou lourde incombe à l'employeur. Elle peut se faire par tout moyen, mais doit avant tout respecter le principe de loyauté. Il empêche l'employeur de recourir à des artifices et stratagèmes pour placer le salarié dans une situation qui puisse ultérieurement lui être imputée à faute. Dans le cas contraire, le licenciement peut être requalifié sans cause réelle ni sérieuse.
Exemple :
Il est possible d'utiliser des photos transmises sur les réseaux sociaux en messages privés comme moyen de preuve, dès lors qu'elles relèvent de la sphère professionnelle. En l'espèce, il s'agissait de photos d'infirmières en maillot de bain et ayant introduit de l'alcool au sein de l'établissement hospitalier (16).
Quelle est la procédure en cas de licenciement pour faute grave ou lourde ?
Licencier un salarié pour motif disciplinaire obéit à une procédure plus stricte que le licenciement pour motif personnel non disciplinaire (exemple : un licenciement pour insuffisance professionnelle).
C'est une procédure d'ordre public : le salarié ne peut donc pas y renoncer.
Vous devez donc impérativement la respecter. À défaut, le conseil de prud'hommes pourrait vous condamner à verser des dommages et intérêts.
Vous devez tout d'abord convoquer le salarié à un entretien préalable au licenciement par lettre recommandée, ou par lettre remise en main propre contre décharge. La lettre doit impérativement indiquer l'objet de la convocation (17).
Vous devez le convoquer à l'entretien préalable dans un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance du fait fautif (18).
À noter que l'entretien ne peut pas avoir lieu moins de 5 jours ouvrables après la présentation au salarié de la lettre recommandée de convocation (19).
Cet entretien a lieu, en principe, pendant le temps de travail. Si vous décidez de mener l'entretien en dehors du temps de travail, vous devrez rémunérer le salarié, pour le temps passé à l'entretien, comme du temps de travail (20).
À l'occasion de cet entretien, le salarié peut se faire assister :
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par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou un représentant du personnel ;
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par un des conseillers inscrits sur la liste établie par la DREETS (direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités) lorsqu'il n'existe pas de représentation du personnel au sein de l'entreprise (21). La lettre de convocation à l'entretien préalable doit mentionner la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition.
Si après l'entretien, vous décidez de licencier le salarié pour faute grave, vous devez lui notifier votre décision par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre doit comporter l'énoncé du ou des motifs invoqués, et ne peut pas être expédiée moins de 2 jours ouvrables après la date de l'entretien préalable au licenciement (22).
Dans le cadre d'une procédure disciplinaire, la notification de licenciement ne peut intervenir plus d'1 mois après la date de l'entretien préalable (23).
Bon à savoir : lorsque l'employeur constate une faute d'une certaine gravité, il peut également prononcer une mise à pied conservatoire de façon concomitante à la procédure disciplinaire.
Le salarié doit-il recevoir une indemnité de licenciement ou de préavis ?
En cas de licenciement à la suite de la qualification d'une faute grave ou lourde, le salarié ne reçoit aucune indemnité de licenciement ni de préavis. La gravité de la faute faisant obstacle à l'exercice de ce droit (24).
Cependant, le salarié se voit octroyer une indemnité compensatrice de congés payés dans le cas où il remplit les conditions d'obtention.
Enfin, le salarié licencié pour faute grave ou lourde pourra, là aussi sous conditions, bénéficier des allocations d'aide au retour à l'emploi (ARE).
(2) Cass. Soc. 25 avril 1990, n°87-45275
(3) Cass. Soc. 26 février 1991, n°88-44908
(4) Cass. Soc. 7 mai 1986, n°83-43479
(5) Cass. Soc. 31 mai 1990, n°88-41419
(6) Cass. Soc. 22 octobre 2015, n°14-11291 et n°14-11801
(7) Cass. Soc. 16 mai 1990, n°88-41565
(8) Cass. Soc. 8 février 2017, n°15-21064
(9) Cass. soc. 27 février 2013, n°11-28481, Cass. Soc. 2 mars 2011, n°09-71000, Cass. Soc. 15 mars 2011, n°09-69001
(10) Cass. Soc. 12 janvier 1983, n°80-41535 et Cass. Soc. 10 février 2009, n°07-43939
(11) Cass. Soc. 18 janvier 2017, n°15-19309
(12) Cass. Soc. 30 juin 1993, n°91-44824
(13) Cass. Soc. 30 avril 1987, n°84-42370
(14) Cass. Soc. 26 mai 1981, n°79-41623
(15) Cass. Soc, 4 juillet 2018, n°15-19597
(16) Cass. Soc, 4 octobre 2023, n°21-25452 et 22-18217
(17) Article L1332-4 du Code du travail
(18) Article L1232-2 du Code du travail
(19) Cass. Soc. 7 avril 2004, n°02-40359
(20) Article L1232-4 du Code du travail
(21) Cass. Soc., 20 janvier 2016, n° 14-21346
(22) Article L1232-6 du Code du travail
(23) Cass. Soc, 17 avril 2019, n°17-31228
(24) Article L1234-9 du Code du travail
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